Les Américains votent aujourd'hui dans le cadre de ce qui sera vu comme un scrutin historique en raison des enjeux monumentaux, bien sûr, et de la personne même de l'un des candidats à la présidence. Mais l'événement est inédit aussi en raison de la rage de voter, littéralement, des électeurs.

En fait, beaucoup ont déjà voté par anticipation, bien davantage qu'on ne l'a jamais vu dans une élection présidentielle. En milieu de journée, hier, 24,4 millions de citoyens s'étaient ainsi prononcés dans les États qui le permettent (ce n'est pas le cas de tous). C'est 50 % de plus qu'en 2004.D'autre part, on prévoit qu'au total, 135 des 153 millions d'Américains admissibles et inscrits sur les registres électoraux se seront prévalus de leur droit de vote lorsque les bureaux de scrutin fermeront leurs portes, ce soir. Ce qui signifie, un, que 73,5 % de la population admissible s'est inscrite : du - presque - jamais vu. Et, deux, que le taux de participation final pourrait atteindre 65 %, un sommet inconnu depuis presque un demi-siècle. (Rappelons que le mode de calcul de ce taux est différent aux États-Unis de ce qu'il est ici, ce qui fausse la perception : en réalité, par comparaison, les Américains votent toujours en grand nombre.)

On nage dans les records.

Et on peut évidemment estimer que la fin anticipée d'une ère difficile, la guerre, le marasme économique et surtout l'« Obamania » expliquent cet enthousiasme pour un processus électoral qui, on l'a vu dans le passé, n'est pas sans failles.

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Parmi ceux qui ont voté par anticipation dans les États où il est possible d'obtenir ces chiffres, on trouve 57,3 % d'inscrits démocrates et 42,7 % de républicains. Le dernier sondage Gallup/USA Today donnait, hier, 53 % des voix à Barack Obama et 42 % à John McCain. Hier aussi, le réseau CNN attribuait de façon certaine ou probable 291 grands électeurs au premier et 157 au second (il en faut 270).

À quelques heures du jour officiel de l'élection, toutes les prévisions allaient donc dans le même sens.

Mais ça ne fait pas baisser le niveau d'inquiétude. Inquiétude par rapport, justement, aux failles du système : le vote « sur papier » est revenu en maints endroits, mais on craint cette fois la... pénurie de bulletins ! Inquiétude face aux basses tactiques éventuelles de la machine républicaine, en particulier, qui a un lourd passé en cette matière. Inquiétude quant à la « prime de l'urne » qui, attribuée dans le secret de l'isoloir, va certainement pénaliser - mais il s'agit de savoir à quel point - le candidat noir...

Au total, l'affaire est non seulement cruciale en ce qu'elle imprimera, ou non, un virage important à la politique intérieure et extérieure américaine. Mais aussi en ce qu'elle validera, ou non, un appareil démocratique qui, comme l'économie, repose en dernière analyse sur la confiance qu'on lui prête.

Ce sera une sorte de grand soir : dans quelques heures, pour les deux, nous saurons.