La voix des musulmans modérés n'est pas entendue, se plaint-on depuis que septembre 2001 a donné toute la place aux islamistes et à l'idéologie qui les meut. Mais les rares fois où ils parlent, comment sont-ils reçus? Trois d'entre eux l'ont fait à Montréal, cette semaine, précisément pour appeler la communauté musulmane canadienne à parler plus haut et plus fort.

Il s'agit de trois intellectuels canadiens d'origine étrangère, dont l'écrivaine et militante féministe Raheel Raza, objet d'une fatwa. Ils étaient invités par Point de bascule, un groupe de sensibilisation sur les dangers de l'islamisme, d'existence récente, titulaire d'un site web*.

 

Tous trois ont témoigné du fait que les 700 000 musulmans du Canada adhèrent aux valeurs humanistes canadiennes et rejettent la terreur islamiste, peu d'entre eux estimant être l'objet d'islamophobie. (L'an dernier, un sondage CBC/Environics confirmait ces trois points dans une proportion respective de 80, 82 et 17%.)

Cependant, beaucoup ayant fui des pays où l'islamisme fait régner la misère, l'obscurantisme, l'esclavage des femmes et la terreur, ils sont ébahis de voir des prosélytes radicaux sévir au Canada. Et ce, dans l'indifférence générale, sinon avec la complicité de certaines institutions. Le Nouveau Parti démocratique, la Commission ontarienne des droits de la personne, les mouvements féministes totalement indifférents au sort des musulmanes et les grands médias ont été particulièrement visés. Tous atteints, ont laissé entendre ces intellectuels, d'une forme particulièrement réactionnaire de rectitude politique.

L'événement n'a eu que peu d'échos dans les grands médias.

Il n'est pas facile de faire la part d'inquiétude justifiée et d'alarmisme dans cette crainte de voir l'islamisme prospérer ici.

Cependant, trois choses sont certaines.

Un: l'islamisme - qui, répétons-le, n'est pas l'islam - est parfaitement incompatible avec les acquis progressistes des sociétés occidentales.

Deux: il constitue un sérieux problème en Europe, où de nombreuses mosquées - commanditées par des puissances étrangères - sont littéralement des extensions des 7000 madrasas de la frontière pakistano-afghane; où la sentence de mort a parfois été appliquée; où la vie politique en est lourdement influencée, comme en Espagne ou aux Pays-Bas.

Trois: les plaidoyers de Raheel Raza, du professeur Salim Mansur et du journaliste Tarek Fatah rejoignent en tous points celui d'une autre féministe musulmane torontoise, Irshad Manji, auteure de Musulmane mais libre. Selon elle, en effet, il appartient aux 50 millions de musulmans vivant en Occident de défendre l'islam contre l'islamisme, car ils sont les seuls à profiter de sociétés ouvertes. «Les musulmans ne sont libres de s'exprimer que dans les pays où ils sont en minorité», a illustré Tarek Fatah.

Libres de s'exprimer, certes.

Mais sommes-nous capables de les écouter - et, éventuellement, de les aider - sans préjugés rétrogrades?

* Sur le web: www.pointdebasculecanada.ca