Michael Moore s'invite à nouveau dans la campagne électorale américaine. Et du côté que l'on devine: celui de Barack Obama, bien sûr, comme il l'avait fait en 2004 pour John Kerry. Cependant, il intervient cette fois sur l'internet, et non par une vaste tournée américaine comme il y a quatre ans. Depuis hier, Moore offre gratuitement en ligne* son nouveau film de 97 minutes, Slacker Uprising (La rébellion du paresseux), qui porte précisément sur son pèlerinage politique de 2004.

Dans un montage différent, le film a été présenté au Festival de Toronto, en 2007, sous le titre Captain Mike Across America.

Le documentaire aura-t-il aux États-Unis l'effet d'une petite bombe comme, au Québec, le clip Culture en péril, ce petit bijou d'humour et d'intelligence qui a été vu en cinq jours par 393 000 personnes (décompte de 16h, hier)?

En tout état de cause, l'initiative de Moore ajoute à l'importance des campagnes virtuelles dans le processus électoral. Aujourd'hui, on voit aussi l'extraordinaire utilisation de l'internet par la machine de guerre d'Obama. Et plusieurs mouvements implantés sur le web (Rock The Vote ou Declare Yourself, par exemple) courtisent le vote des jeunes, en particulier.

Il s'agit d'un phénomène qui est certainement très positif pour la santé de la démocratie.

En 2004, le message convoyé par Michael Moore dans plus de 62 villes américaines concernait précisément les jeunes et la santé de la démocratie américaine. Il consistait d'abord à exhorter les jeunes à aller voter. Dans un deuxième temps, Moore leur disait aussi comment le faire et ce n'était pas pour George W. Bush!

Mais il a échoué.

La marque de 50% n'a pas été atteinte chez les 18-24 ans alors que les plus de 55 ans, eux, ont voté dans une proportion de 71%. Et chacun sait qui a gagné l'élection - pour le plus grand malheur de l'Amérique et du monde.

Pourtant, Moore est le documentariste le plus populaire de l'histoire américaine du cinéma, même si ses méthodes sont parfois douteuses. Son film Fahrenheit 9/11 a «fait» un box-office record de 119 millions$US aux États-Unis, presque le double à l'échelle du monde, et lui a valu la Palme d'or à Cannes. Slacker Uprising le montre se produisant dans des arénas bondés, comme une vedette de la chanson (parfois avec Steve Earle, un pur rebelle dont le répertoire country-rock est en effet captivant), n'hésitant pas à affronter des militants républicains qui le détestent cordialement Au total, c'est un film à la hauteur de ce que, peut-on présumer, Moore voulait en faire.

Mais ensuite?

Toute l'agitation du cinéaste engagé pourrait amener des questions quant à l'influence réelle des artistes sur le terrain politique, que l'on soupçonne être, aux États-Unis comme ici, inversement proportionnelle à leur visibilité.

Mais il n'est pas impossible que Slacker Uprising provoque un débat sur Michael Moore lui-même. Un peu comme, ici, la colère fortement médiatisée des artistes contre le gouvernement Harper a surtout amené un débat sur le statut des artistes eux-mêmes.

mroy@lapresse.ca