Un enseignant homosexuel de 30 ans qui a travaillé dans une demi-douzaine d'écoles de la métropole cache depuis des années son orientation sexuelle à ses élèves par crainte d'être la cible de moqueries.

Sa prudence s'inspire en partie de l'expérience malheureuse d'un cadre en milieu scolaire qui a été poussé à la dépression par un déluge de commentaires négatifs après s'être identifié comme gai.

Dans un autre établissement, une enseignante en voie de formaliser son changement de sexe se fait dire par un directeur d'école de ne pas se présenter à la cérémonie de remise des bulletins par crainte de ne pas « traumatiser » les parents.

Ces deux anecdotes récentes suggèrent que le coming out du personnel scolaire demeure encore aujourd'hui un problème d'actualité même si les esprits ont considérablement évolué au fil des décennies.

L'Alliance des professeurs de Montréal, qui travaille depuis des années sur la question, estime que le processus est « plus facile qu'il ne l'a jamais été » pour les enseignants gais et lesbiennes qui désirent le faire, mais demeure particulièrement sensible pour les transsexuels.

Cette appréciation semble un brin optimiste s'il faut en croire les conclusions d'une étude pancanadienne publiée en 2015 qui suggère que les éducateurs issus de la communauté LGTBQ demeurent souvent discrets sur la question dans leur milieu de travail.

Environ la moitié des répondants concernés ont déclaré que plusieurs de leurs collègues sont au courant. Seuls 14 % indiquent que plusieurs élèves le savent.

L'étude révélait par ailleurs que près des deux tiers des éducateurs sondés étaient au courant d'incidents où un collègue a été harcelé par des élèves en raison de son orientation sexuelle. Le quart a eu connaissance par ailleurs de cas où des collègues harcelaient des éducateurs gais ou lesbiennes.

La recherche en question comportait un faible échantillon québécois et ne donne pas un portait précis de la situation dans la province. La tendance globale est néanmoins préoccupante.

Le Groupe de recherche et d'intervention sociale de Montréal, une organisation communautaire qui mène des activités de sensibilisation dans les écoles sur la diversité sexuelle, juge que la situation au Québec demeure problématique et a publié récemment un guide à l'intention du personnel scolaire qui songe à faire son coming out afin de faciliter le processus.

Le document, dont Le Devoir faisait état la semaine dernière, relève que les craintes des enseignants LGTBQ qui hésitent à aller de l'avant ne se limitent pas aux commentaires moqueurs. 

La peur de réactions négatives des parents et l'incidence appréhendée, à tort ou à raison, sur l'avancement de leur carrière jouent aussi un rôle inhibiteur.

La directrice générale du GRIS-Montréal, Marie Houzeau, note que les enseignants qui décident de se montrer plus transparents sur ce plan sont souvent soulagés et deviennent des modèles inspirants pour les élèves qui cheminent dans l'acceptation de leur propre orientation sexuelle. Ils aident aussi, de manière plus générale, à briser les préjugés.

Bien que les données manquent pour avoir un portrait précis de la situation au Québec, les commissions scolaires devraient s'assurer que des mécanismes appropriés sont en place dans les établissements pour soutenir les enseignants qui souhaitent faire connaître leur orientation sexuelle.

Dans le cas contraire, chaque individu devra continuer de soupeser seul ou avec quelques proches les tenants et aboutissants d'une décision difficile qui ne devrait pas, dans un monde idéal, occasionner autant de tourments.

L'école joue un rôle central dans l'apprentissage de l'ouverture et de la tolérance. Si elle échoue à mener par l'exemple sur une question aussi fondamentale, c'est l'ensemble de la société qui en sort perdant.

En chiffres

73 % des éducateurs LGTBQ interrogés dans une étude pancanadienne ont indiqué que l'administration de leur école ne connaissait pas leur orientation sexuelle ou leur identité transgenre au moment de l'embauche

Le tiers d'entre eux ont reçu le conseil de ne pas s'identifier comme personne LTGBQ à l'école

Au moment du sondage, 88 % des éducateurs LTGBQ disaient qu'au moins une personne de leur école était au courant de leur orientation sexuelle ou de leur identité transgenre

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