L'ex-politicien Bob Rae, qui a été désigné hier comme envoyé spécial du premier ministre Justin Trudeau en Birmanie, aura fort à faire pour déterminer les mesures susceptibles de mener à une «paix et une réconciliation durable» dans le pays.

En deux mois, plus de 600 000 Rohingya ont fui vers le Bangladesh pour échapper aux exactions de l'armée birmane.

Face aux protestations d'organisations comme Amnistie internationale et Human Rights Watch qui parlent de «crimes contre l'humanité» pour décrire la campagne de violence ciblant cette minorité musulmane, les militaires responsables se bornent à faire la sourde oreille.

Le chef d'état-major de l'armée birmane a déclaré récemment que les accusations d'exactions à grande échelle ne sont guère plus que de la «propagande».

Le général Min Aung Hlaing maintient même que les Rohingya - qu'il décrit comme des «Bengalis» pour nier leurs racines birmanes - ont fui par crainte des actions d'un groupe de rebelles musulmans ayant ciblé des installations des forces de sécurité en août.

Il semble aujourd'hui évident, comme le soulignent les Nations unies, que l'opération en cours est «coordonnée et systématique» et a pour but non seulement de chasser la minorité musulmane du pays, mais aussi de l'empêcher de revenir. Et qu'il est urgent de trouver une façon de ramener l'armée birmane à la raison.

La solution ne semble pas pouvoir venir du gouvernement d'Aung San Suu Kyi, qui a fait scandale en s'efforçant de démentir l'ampleur de la crise.

La célèbre lauréate du prix Nobel de la paix dispose dans les faits d'un pouvoir limité pour faire bouger les choses puisque l'armée conserve la main haute sur les ministères responsables de la sécurité.

Les pays occidentaux qui s'étaient empressés il y a quelques années de lever la plupart des sanctions contre la Birmanie pour appuyer sa transition démocratique prennent maintenant la mesure des limites de l'ouverture du pays et doivent revoir leur approche dans un contexte difficile.

Bob Rae, qui espère se rendre sur le terrain la semaine prochaine, a donné hier une mesure de la complexité du dossier en prévenant qu'il ne «prétend pas être un faiseur de miracles».

Ottawa, qui dit considérer «toutes les options» pour agir à ce stade, a cherché à se montrer proactif depuis l'éclatement de la crise en multipliant les interventions diplomatiques auprès du gouvernement d'Aung Sang Suu Kyi et de l'armée birmane. Un retour à des sanctions musclées doit maintenant être envisagé puisqu'il est clair que les dénonciations ne suffiront pas à faire fléchir les militaires.

Si les États qui se scandalisent de la situation des Rohingya ne passent pas bientôt de la parole aux actes, la crise va se résoudre d'elle-même. De la pire façon possible.

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