« On ne sait jamais quand et qui ils vont attaquer et pourquoi ils considèrent que quelqu'un est une cible. C'est impossible, du coup, de savoir comment se protéger ou protéger sa famille », déplore Faisal bin Ali Jaber.

La peur de ce ressortissant yéménite est compréhensible.

En août 2012, quatre missiles tirés en succession par un drone américain ont pulvérisé son beau-frère - un imam opposé à Al-Qaïda - et trois inconnus venus le rencontrer pour discuter de ses prises de position idéologiques.

La famille a tenté en vain à plusieurs reprises d'obtenir des explications des autorités sur ce qui s'est passé.

Les missiles visaient probablement les trois inconnus, mais rien n'est clair. Pourquoi ont-ils été ciblés ? Qu'avaient-ils fait ? Les opérateurs du drone savaient-ils que l'imam était présent ?

Une poursuite déposée cette semaine devant un tribunal américain vise à clarifier les circonstances de l'attaque. Elle a peu de chances d'aboutir.

L'administration de Barack Obama, qui a fait des drones un élément-clé de sa campagne antiterroriste, refuse d'expliciter comment sont choisies les cibles.

Dans un rare discours à ce sujet en 2013, le président américain a assuré que le pays ne frappait du ciel que des militants « représentant une menace imminente » pour les États-Unis après avoir déterminé avec « quasi-certitude » qu'aucun civil ne serait blessé ou tué.

Le cas survenu au Yémen cadre mal avec ses propos et s'inscrit dans une lignée d'incidents ayant fait des centaines de victimes civiles. Ils alimentent les doléances des détracteurs du programme, qui le jugent à la fois illégal et immoral.

Afin de corriger la situation, un duo de chercheurs américains plaide dans un récent article pour la mise sur pied d'un « régime d'imputabilité » interétatique qui viendrait encadrer l'usage de drones armés.

Les pays qui y adhèrent sur une base volontaire seraient tenus de mettre de l'avant des lignes directrices pour leurs actions en vue de favoriser l'émergence, à terme, d'un ensemble de règles consensuelles.

Un « ombudsman » serait désigné pour veiller à leur application et pourrait ordonner une compensation lorsque des civils ont été frappés « erronément ».

L'idée semble utopiste puisque l'on imagine mal les États-Unis - ou une autre puissance - se soumettre volontairement à ce stade à une forme de régulation empiétant sur ses impératifs de sécurité nationale.

Elle a toutefois le mérite de vouloir faire progresser le débat sur l'utilisation de ces armes meurtrières alors que nombre de pays cherchent à s'en doter. Israël et la Grande-Bretagne en ont déjà utilisé. La Chine et l'Iran en auraient déjà à leur disposition.

Cet engouement laisse entrevoir une situation complètement chaotique dans laquelle plusieurs pays s'arrogeront le droit de frapper des cibles extraterritoriales sans autre formalité.

L'arbitraire actuel risque de déboucher sur d'importants conflits et paraît clairement intenable.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion