Cet été, deux femmes mythiques nous ont quittés : Simone Veil, le 30 juin, puis Jeanne Moreau, lundi dernier. Elles avaient le même âge : 89 ans. Bien sûr, ces deux personnalités sont d'origine et de milieux fort différents. L'une est une icône politique ; l'autre une égérie du cinéma et du théâtre. Mais, à leur manière, elles ont toutes les deux contribué à faire avancer la lutte et la cause des femmes au XXe siècle.

Femmes de tête et de conviction, indépendantes et insoumises, chacune a été un modèle pour leur génération ; elles le demeurent toujours aujourd'hui.

Par-delà la tristesse de leur disparition, il faut garder en mémoire leurs accomplissements.

COMME DES GARÇONS

« Je ne suis la femme ni la fille de personne », proclamait Jeanne Moreau. La comédienne a confié au Figaro Magazine « avoir vécu comme un garçon », c'est-à-dire librement, « plus librement que ce que les femmes sont autorisées à vivre à l'époque ».

Libre de ses idées comme de ses gestes. En 1971, Jeanne Moreau a signé le Manifeste des 343. Cette pétition signée par 343 femmes, dont plusieurs connues, qui déclarent s'être fait avorter et réclament la liberté pour les femmes de disposer librement de leur corps. Au risque de sanctions pénales, car l'avortement est alors illégal en France.

C'est quatre ans plus tard que la Loi Veil dépénalise l'interruption volontaire de la grossesse. Alors ministre de la Santé, en 1975, Mme Veil s'est battue avec acharnement pour faire adopter sa loi.

En présentant son projet de loi, elle a dit ceci : « Je voudrais d'abord vous faire partager une conviction de femme - je m'excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d'hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de coeur à l'avortement. Il suffit d'écouter les femmes. C'est toujours un drame... et cela restera toujours un drame. »

MASCULIN FÉMININ

Comme femme politique et académicienne, Simone Veil revendiquait que « sa différence soit prise en compte, qu'elle ne soit pas contrainte de s'adapter au modèle masculin ». Cela nous fait penser à ce que le réalisateur François Truffault a dit au magazine Time, en 1965, à propos de Jeanne Moreau : « Elle a toutes les qualités attribuées aux femmes, et aussi toutes les qualités qu'on associe aux hommes... sans les défauts des uns et des autres. » Une affirmation qui peut sembler anodine. Mais c'était révolutionnaire en 1965 !

BONJOUR VIEILLESSE !

Dans un monde qui flirte avec la jeunesse éternelle, Simone Veil et Jeanne Moreau acceptaient de vieillir. De bien vieillir. Elles étaient fières des rides sur leur visage qui racontaient leur histoire, leur expérience, leur vie de combattante. « Ça vaut vraiment le coup, de vieillir », avait l'habitude de répondre l'actrice de Jules et Jim aux journalistes qui l'interrogeaient sur l'âge et le vieillissement.

De son côté, la première présidente du Parlement européen n'en pensait pas moins. Avec l'âge, elle disait même être devenue de plus en plus militante de la cause des femmes. « Paradoxalement peut-être, là aussi, je m'y sens d'autant plus portée que ce que j'ai obtenu dans la vie, je l'ai souvent obtenu précisément parce que j'étais une femme. »

Simone Veil et Jeanne Moreau n'étaient pas parfaites. Au cours de leur vie, elles ont pris des décisions qui ont heurté des gens.

Mais sur leur longue route, ces deux grandes Françaises ont brisé plusieurs tabous et fait évoluer les mentalités.

Les jeunes femmes d'aujourd'hui devraient s'inspirer de ces deux pionnières. Et continuer leur combat.

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