À l'ère 2.0, les monstres ont désormais un puissant canal pour déverser leur fiel.

Les méchants n'ont pas besoin de raison pour haïr, car « leur méchanceté suffit », disait Alexandre Dumas. Heureusement, au fil du temps, les sociétés se sont donné des règles et des chartes pour nous protéger contre l'atteinte à la dignité humaine.

C'était avant la naissance de l'internet et des réseaux sociaux...

À l'ère 2.0, les monstres ont désormais un puissant canal pour déverser leur fiel. Résultat, le cyberharcèlement est aujourd'hui un cancer social en constante progression.

On a beau organiser des campagnes de prévention et dire non à l'intimidation, chaque jour, le « Far Web » se fait plus menaçant et violent. Au point où plusieurs personnes se demandent comment se défendre de ces agresseurs virtuels. En les ignorant, les signalant, les dénonçant ? Le phénomène est nouveau et les recours sont encore limités.

Cible de harcèlement en ligne, l'animatrice Pénélope McQuade a décidé de réagir publiquement, hier, dans nos pages. Sa sortie est courageuse, mais surtout utile. En (re)publiant les courriels haineux, les messages d'insultes et les publications dégradantes qu'elle reçoit régulièrement - environ 20 % des envois sur ses comptes, dit-elle -, l'animatrice dénonce les dérives du « Far Web ».

En se sentant à l'abri derrière leur écran, les internautes intimidateurs ont l'impression d'être inatteignables dans « leur » monde virtuel.

Pénélope McQuade est une professionnelle avec une notoriété publique. Son histoire a fait du bruit et ne risque pas d'être banalisée. Hélas, d'autres personnes, plus jeunes ou vulnérables, ont peur ou ne savent pas comment réagir aux messages des intimidateurs. Rappelons le triste cas d'Amanda Todd, qui s'est suicidée, à 15 ans, après avoir été victime d'intimidation sur Facebook. (Peu avant sa mort, en 2012, l'adolescente de Colombie-Britannique a mis en ligne une vidéo où elle raconte sa troublante histoire.)

Derrière nos écrans, on oublie qu'il y a des êtres humains. Dans la « vraie » vie, les intimidateurs se permettraient-ils d'aller aussi loin dans leur atteinte à l'intégrité des personnes ciblées ? Poser la question, c'est y répondre. « Souvent, les intimidateurs ne réalisent pas le tort, explique Léa Clermont-Dion, qui prépare une thèse de doctorat sur la cyberviolence envers les femmes. En matière numérique, nous sommes dans une zone grise. Il faut établir un code de civisme 2.0 et responsabiliser les entreprises numériques. »

Selon Michel Dorais, professeur à l'École de service social de l'Université Laval, ce n'est pas toujours aux victimes de porter le fardeau de la prévention, en devant témoigner de leur histoire. Il faut agir avant que ce type d'intimidation n'advienne. « C'est très bien de donner des trucs aux victimes, mais cela demeure de la prévention secondaire, afin que les choses ne se détériorent pas, ou tertiaire, afin qu'il n'y ait pas de récidives. Il faut agir en amont, chez les jeunes, afin que la cyberintimidation ne devienne pas une source de gratification et de jeu malsain sans conséquence. »

Il a été démontré que le cyberharceleur a un profil semblable aux « bullies » : aucune empathie pour ses victimes ; manque de confiance en lui ; avide de pouvoir. Se défouler sur l'internet serait donc une façon de se venger des humiliations reçues.

Si, comme le montre la sortie de Pénélope McQuade, il est nécessaire de responsabiliser les intimidateurs, il faut aussi sensibiliser les internautes et particulièrement les jeunes au phénomène. Et cela commence par leur enseigner des valeurs comme le civisme, la bienséance et le respect.

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