Qu'on l'aime ou pas, Céline Dion demeure un fort symbole dans l'imaginaire collectif au Québec.

La première québécoise de la tournée estivale de Céline Dion, dimanche soir au Centre Bell, avait quelque chose de beau et de rassurant à la fois.

Beau, parce que ce concert s'apparente à une grand-messe durant laquelle le public est en parfaite communion avec son idole. Rassurant, parce que dans un monde où la peur gagne du terrain, la prestation de la chanteuse transporte les spectateurs dans une précieuse bulle. On s'y sent insouciants, mais surtout vibrants.

« Revenir vers vous, chanter en français, c'est revenir vers moi, c'est revenir vers nous », écrit la chanteuse dans le programme. Le « nous » de Céline est plus qu'une image mielleuse. C'est un nous qui réconforte une majorité de Québécois, car il a des résonances communautaires et historiques.

Chaque génération s'érige des idoles correspondant au besoin de son époque. Dans les années 50, Maurice Rocket Richard a été un héros sportif qui symbolisait la revanche du « petit » Canadien français, longtemps méprisé par l'Anglais dominateur et assimilateur. Après, René Lévesque a été un héros politique qu'on peut résumer par sa célèbre formule : « Nous sommes quelque chose comme un grand peuple ». Puis, une jeune chanteuse de Charlemagne, cadette d'une famille de 14 enfants, est venue montrer aux Québécois qu'ils ont l'étoffe de leurs rêves.

En accédant au panthéon des superstars internationales, Mme Dion a décroché l'inaccessible étoile. Mais elle l'a fait à sa manière : typiquement québécoise.

« Le personnage de Céline Dion est, en définitive, l'un des plus beaux symboles de ce que les Québécois veulent rester et de ce qu'ils aspirent à devenir », a écrit Line Grenier, professeure au département de communications de l'Université de Montréal, dans une analyse sur « les mises en mémoire du phénomène Céline Dion ».

En effet, Céline est une icône nationale, malgré ses déclarations parfois « malaisantes », son côté émotif, presque folklorique. Sa personnalité l'enracine encore plus dans l'inconscient collectif. « Tout le monde veut être Céline Dion », a écrit l'auteur Olivier Choinière dans un texte sur « la perversité du fantasme » célinien paru dans la revue Liberté. En ajoutant que la chanteuse « n'est pas seulement la meilleure parce que tout le monde l'aime, mais parce que tout le monde l'aime PAREIL ».

Cet été, Céline est de retour dans un Québec qui a bien changé depuis qu'elle s'est installée à Las Vegas. En 2016, les Québécois ne sont plus frustrés comme à l'époque du Rocket ; ni circonspects comme au temps de Lévesque. Toutefois, ils ont soif de symboles mémoriels. Leurs fleurons d'antan - pensons à Bombardier ou au Cirque du Soleil - n'engendrent plus autant de reconnaissance nationale. La scène politique provinciale laisse plusieurs électeurs de glace. Bref, ce n'est pas la fierté qui nous étouffe.

Débarque « notre Céline » avec sa tournée qui a fait des recettes de 30 millions, uniquement en Europe. La star affirme se sentir en paix avec elle-même et sa famille lorsqu'elle foule la verte pelouse du sol québécois. Elle triomphe pour mieux retourner sa veste, comme si son triomphe nous appartenait aussi... N'est-ce pas cela, la marque des héros ?

Céline, qu'on l'aime ou pas, qu'on la vénère ou non, demeure un fort symbole dans l'imaginaire collectif au Québec. Telle une ancre où il fait bon s'accrocher dans le courant des eaux tumultueuses. Céline nous rappelle, toujours et encore, l'importance de rêver, d'aimer et de se dépasser. Parce que « la vie est courte et précieuse et qu'il faut, chaque jour, la chanter comme si c'était la dernière fois ».

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