« Pas mal pour une fille sans talent », a écrit lundi Kim Kardashian sur son compte Twitter, en dévoilant qu'elle fait la couverture du numéro d'août de Forbes. La femme de Kanye West répondait à ses détracteurs. Bien que ces derniers lui reconnaissent un talent : celui de se vendre en ne faisant rien.

Si le prestigieux magazine économique lui accorde sa une, c'est parce que Mme Kardashian a généré des revenus de 51 millions US, ces 12 derniers mois. Et qu'elle s'est hissée au 42e rang de la liste des 100 célébrités les plus riches de la planète.

La fille de l'ex-avocat d'O.J. Simpson, devenue mondialement célèbre après la diffusion d'un « sextape » en 2007, est aussi la vedette de la téléréalité Keeping Up With the Kardashians. Comme chaque membre de sa famille, la star a compris qu'en partageant tous les détails de sa vie privée avec le public, elle allait édifier sa gloire.

Bien sûr, la marchandisation des « people » ne date pas d'hier. Or, « la célébrité n'a jamais autant engendré d'argent mondialement », affirmait déjà le magazine Forbes, en juin 2015. Surtout en raison de la popularité des médias sociaux. La famille Kardashian, reconstituée avec le clan Jenner, est suivie par une centaine de millions de fans sur Instagram, Twitter, Facebook et tutti quanti. Forbes indique que 40 % des revenus annuels de Kim K. proviennent de ses applications de jeux mobiles.

Selon une étude sur la culture populaire à l'ère des réseaux sociaux du Centre de recherche PEW, l'obsession de nos contemporains pour les célébrités est le microcosme d'un malaise social plus profond. « La majorité des gens ne connaissent pas le nom de leur gouverneur ou de leur représentant au Congrès (l'équivalent des députés au Parlement), mais ils peuvent décrire la robe que Kim portait à son mariage. »

Lorsque la culture générale et le moindre savoir passent pour suspects ou élitistes, on prend la nette mesure du vide abyssal d'une époque.

Dans la préhistoire, avant le web, en 1983, le philosophe Gilles Lipovetsky a écrit ceci : « Communiquer pour communiquer, s'exprimer sans autre but que de s'exprimer et d'être enregistré par un micro public, le narcissisme révèle sa connivence avec la désubstantialisation post-moderne, avec la logique du vide. »

De nos jours, l'important pour accéder à la célébrité, ce n'est pas de créer une oeuvre, de travailler fort, de contribuer à l'avancement de la société et des idées ni de partager sa richesse et de s'impliquer dans sa communauté. L'important, c'est la célébrité recherchée pour elle-même ; sa capacité à faire la mise en scène de soi.

En 2016, la « selfietude » est devenue une servitude.

D'ailleurs, l'application Kim Kardashian : Hollywood - téléchargée 45 millions de fois en deux ans - joue avec ce phénomène d'identification : elle fait miroiter l'accessibilité à la célébrité au commun des mortels.

Jadis, Andy Warhol a clamé qu'à l'avenir chacun aurait droit à 15 minutes de célébrité mondiale. Il avait oublié de nous prévenir que ces 15 minutes passeraient comme des siècles !

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