Figure marquante de la danse, artiste d'exception, Édouard Lock a été obligé de fermer La La La Human Steps. Il a remercié ses nombreux collaborateurs dans une lettre qui témoigne de l'élégance et du raffinement de l'homme.

Malgré le soutien de mécènes, la compagnie avait des difficultés financières, entre autres parce que les subventionnaires, tant à Québec qu'à Ottawa, n'offraient aucune garantie au-delà de l'année en cours. Or, le modèle de création de Lock s'étalait sur trois ans, de la genèse d'une oeuvre aux tournées.

Certes, l'artiste de 61 ans a la réputation d'être dépensier et ses créations sont chères. N'empêche qu'il a dû vendre sa maison pour payer ses créanciers, après 35 ans de travail acharné. Une triste fin pour un chorégraphe qui a influencé trois générations d'interprètes, en plus d'offrir au public des oeuvres inoubliables.

Le milieu de la danse est en deuil. Toutefois, après le choc, il faudra réfléchir. Réfléchir à la place de la culture dans notre société.

À l'ère du déficit zéro, hausser le financement la culture semble une utopie. Pour les bailleurs de fonds, la création, c'est très désirable, mais ce n'est pas rentable.

Depuis des années, les compagnies de danse et de théâtre au Québec gèrent des coupes. Leur budget de fonctionnement est pratiquement gelé, tandis que leurs frais grimpent en flèche. Depuis l'arrivée du numérique, l'offre culturelle se diversifie et se multiplie.

En 2008, le gouvernement de Stephen Harper a aboli les programmes d'aide à l'exportation culturelle du ministère des Affaires étrangères (PromArt) et du ministère du Patrimoine canadien (Routes commerciales) qui soutenaient les tournées internationales des compagnies. Une décision qui a consterné le milieu.

À l'époque, le directeur des Grands Ballets Canadiens, Alain Dancyger, avait sonné l'alarme : « Le rayonnement de la culture canadienne à l'étranger est le reflet de l'excellence, de l'innovation et de la compétitivité des institutions, des organismes et des produits culturels développés chez nous par les artistes et artisans canadiens, qui concourent à renforcer l'économie canadienne et à diffuser l'image d'un Canada dynamique et ouvert. »

Depuis, la situation s'est aggravée. L'hiver dernier, le réputé chorégraphe Dave St-Pierre a fait une sortie remarquée en déclarant qu'il ne se produira plus à Montréal. « Pas d'argent, pas de show ! », avait-il scandé. Tout comme St-Pierre, Édouard Lock devra désormais déployer son talent et son génie sous d'autres latitudes. Pas par choix ; par nécessité.

Les coupes de 2,5 millions au Conseil des arts et lettres du Québec (CALQ), en juin dernier, affectent particulièrement le secteur de la danse. Pour l'année 2015-2016, le Regroupement québécois de la danse chiffre ses pertes financières à 800 000 $, soit près de 35 % de l'ensemble des coupes au CALQ.

Toutefois, la question est plus large que le manque chronique de financement public.

L'État doit avoir une vision en matière culturelle, comme il en a pour l'économie, l'environnement, la santé...

Si nos dirigeants ne peuvent pas reconnaître le rayonnement et l'importance du rôle que jouent les compagnies de danse à l'étranger, ils devront, un jour, se désoler de l'exil des stars de la danse canadienne.

Un pays sans culture est un pays qui se meurt.

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