Patrick Lupien, 40 ans, semble avoir tout pour être heureux. Une belle femme, de beaux enfants, une grande maison design en banlieue, un magasin d'articles de sports... Or, Patrick croule sous les dettes, son commerce va mal, sa femme, en burnout, n'a plus aucun appétit sexuel, et ses amis sont inexistants.

Patrick est le personnage imaginé et défendu par Louis Morissette dans Le mirage, le plus récent film de Ricardo Trogi, qui prend l'affiche aujourd'hui. Sans être une étude sociologique (Morissette a écrit un divertissement), le scénariste de 42 ans a voulu dépeindre « le sentiment de vide » de plusieurs hommes de sa génération.

Sa comédie risque de cartonner : il y a des dizaines de milliers de Patrick Lupien au Québec.

Le désarroi des hommes est une réalité. Certains ont raison d'être en colère. Toutefois, ces derniers ont tant de difficulté à exprimer leurs émotions, à briser le silence lorsque la discussion est nécessaire, qu'il est souvent difficile de décoder leur malheur.

Dans le film, Patrick s'obstine à ne pas voir ses failles et sa vulnérabilité. Coincé dans le rôle du mâle pourvoyeur, il est incompris des siens, emporté dans la spirale de la consommation à outrance. Il passe des heures à se masturber en cachette en regardant des films pornos, mais il n'arrive pas à prendre cinq minutes pour informer la mère de ses enfants que son entreprise est en faillite !

WHAT DO MEN WANT ?

« Qui sait de quoi un homme est fait ? Plus léger que l'air, il nous file entre les doigts », dit Willy Loman dans Mort d'un commis voyageur, magnifique pièce d'Arthur Miller. On s'est aussi posé la question en voyant Le mirage. What do men want ?

Patrick a la psychologie d'un éternel adolescent immature. Il rêve d'une autre vie sans pouvoir en proposer le début d'une ébauche. Ce chef de famille, commerçant et homme d'affaires demeure incapable de formuler sa révolte, de nommer ses désirs. À part ses fantasmes de partouze avec des filles soumises, arborant obligatoirement des poitrines gargantuesques. « Les seins, c'est comme un téléviseur, c'est jamais assez gros ! », lance Patrick à sa femme qui envisage de refaire les siens. Bonjour le romantisme !

Patrick veut être libre, mais il ignore quoi faire avec cette liberté. À l'instar de bien des hommes, il lui faut des projets de couple plus stimulants que celui de rénover la salle de bains ou de finir le sous-sol.

Finalement, il semble y avoir un Patrick Lupien qui sommeille au fond de bien des hommes. Pas seulement des pères de famille de 40 ans. Des coureurs des bois des temps modernes qui n'ont plus d'horizon pour s'épanouir. Pour les comprendre, il faudrait peut-être les écouter.

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