La démolition de l'Agora de Charles Daudelin au square Viger. La grande roue du collectif BGL à Montréal-Nord. Le projet de Moment Factory d'illuminer le pont Jacques-Cartier. Décidément, on parle beaucoup d'art public cet été. Ce qui suscite la controverse.

Rien de nouveau sous le soleil, hélas. L'art public, par essence, est un accélérateur de controverses. En matière d'appréciation d'une oeuvre d'art, les goûts sont subjectifs et individuels. Alors espérer qu'une oeuvre, réalisée pour un espace public, puisse faire l'unanimité est une aberration.

Des colonnes de Daniel Buren plantées dans les jardins du Palais Royal, à Paris, à l'épave d'acier du sculpteur Pierre Bourgault installée sur la promenade Champlain, à Québec, l'histoire de l'art est jalonnée de ce type de polémique.

Chaque fois, le débat autour de la création de ces oeuvres s'apparente à deux monologues. L'un élitiste, l'autre populiste. Aux citoyens qui jugent (en 10 secondes) une oeuvre pour mieux la rejeter, des experts leur répondent qu'on n'a pas à juger de l'esthétisme. Selon eux, on doit laisser l'art contemporain « dialoguer avec son époque ». Même si c'est toujours un dialogue de sourds ?

André Malraux, le plus important ministre de la Culture de la France, disait que l'art n'est pas la beauté. Les artistes n'ont donc pas à « respecter des règles édictées par quelque sacerdoce ». Malraux ne distinguait pas l'art des autres domaines : science, politique, économie. « La volonté de création artistique ne me semble pas plus s'opposer à la volonté de transformation du monde que la pensée scientifique. »

Créer des formes nouvelles, voilà le mantra des créateurs. Pourquoi alors le public s'acharne-t-il toujours sur eux, alors qu'ils laissent les chercheurs créer leurs inventions, les chimistes breveter leurs molécules ?

On nous répondra que la technologie et les médicaments sont plus utiles à l'avancement de la société que l'art. Pourtant, dans la grande échelle de la production terrestre, l'argument utilitaire a ses limites. Le désir de la forme pour la forme fait partie de la sensibilité humaine. Si on avait seulement besoin de ce qui est « nécessaire » dans la vie, ce serait trop simple.

Ensuite, il y a l'argument avec un grand A, celui des fonds publics. Le collègue François Cardinal s'en est indigné dans sa chronique de samedi dernier. On ne s'épanchera pas là-dessus.

Seulement pour dire que ce credo populiste, la démagogie de l'argent public, s'acharne sur l'un des groupes les plus pauvres de la société : les artistes. Dans la plus grande méconnaissance du processus de sélection des oeuvres ; du fonctionnement des comités où siègent des élus ET des citoyens ; des plans, budgets et étapes de production.

Si la grogne populaire sévissait avec autant de rapidité et de véhémence pour des enjeux bien plus importants pour notre démocratie, le Québec nagerait en pleine révolution.

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