Jean de La Fontaine, « le plus moderne des philosophes », selon Le Point, disait que deux démons partagent notre vie : le sexe et l'ambition. Bien sûr, l'un va souvent avec l'autre. L'ultime pouvoir étant celui que l'on exerce sur le corps de l'autre, afin de le réduire à sa volonté, de le rendre esclave de ses pulsions.

Ces jours-ci, l'un des hommes les plus riches et ambitieux de la planète, Donald Trump, voit d'ailleurs une vieille allégation de viol, datant de 1989, refaire surface aux États-Unis. Interrogé à propos de cette déclaration d'Ivana Trump rapportée dans une biographie sur son ex-mari, l'avocat du candidat à l'investiture républicaine, Michael Cohen, a déclaré qu'on ne pouvait pas « violer » son épouse... Oui, en 2015 !

Puis, cette semaine, dans un grand moment de solidarité féminine, 35 présumées victimes de Bill Cosby font la une du magazine New York. Elles racontent comment le comédien américain, en chute libre, les a droguées et violées dans le passé. Des événements qui se seraient déroulés dans divers endroits, de la fin des années 1960 jusqu'en 2000.

Ces accusations s'ajoutent à une dizaine d'autres faites par des femmes contre la vedette de The Cosby Show.

BRISER LE SILENCE

On a salué leur courage. On a parlé d'une complicité dans le chagrin (« sisterhood of sorrow »). On a souligné qu'en ce moment, en Occident, des milliers de femmes, par crainte ou culpabilité, demeurent silencieuses ; d'ailleurs, ces victimes sont représentées par une chaise vide sur la couverture de New York. Le mot-clic #TheEmptyChair est devenu le plus populaire sur Twitter, multipliant les récits d'agressions sexuelles sur la Toile.

Ce qui frappe aussi, c'est de constater que l'humoriste semble avoir choisi ses proies à dessein.

Elles sont toutes (sauf deux) blanches, célibataires et vulnérables. Elles ont un profil esthétique presque identique. Quelques cicatrices marquent leurs visages défaits par des pleurs longtemps refoulés.

Plus jeunes, ces femmes rêvaient d'une carrière artistique. Elles croyaient qu'une amitié avec Cosby pouvait les aider à y parvenir. En écoutant leurs témoignages, on voit surtout le côté sombre de la gloire. Car les blessures de leur âme sont visibles. Patentes. En souillant ces femmes, Bill Cosby a contaminé un rêve américain qui bat déjà de l'aile.

Toutefois, en brisant le silence, ces femmes regagnent le respect, la dignité et l'estime nécessaires à leur guérison. C'est un pas en avant. Mais pas encore la victoire. Car certaines ont attendu (presque) la fin de leur vie avant de parler ; ce qui prouve que le tabou autour du viol est bien présent dans notre société.

Pour l'enrayer, il faudrait calmer ces démons nommés sexe et ambition. Plutôt que de les nourrir avec orgueil et avidité.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion