Pendant que Donald Trump essayait hier d'attraper les pots lancés dans sa direction à la suite du sommet d'Helsinki, Vladimir Poutine, de son côté, ramassait les bouquets de fleurs telle une prima ballerina du Bolchoï. Les médias, les élus et même l'opposition au président russe parlaient de «  victoire  » et de performance «  grandiose  » de leur chef d'État. Même si Vladimir Poutine n'a pas réussi à faire tomber les sanctions contre la Russie, force est d'admettre qu'il peut revendiquer au moins cinq bons coups à la suite de sa rencontre avec le président américain.

Le dos large de la russophobie

Depuis des années, Vladimir Poutine et son entourage clament haut et fort que l'Ouest agit de manière irrationnelle face à la Russie, faisant preuve d'une «  russophobie  » héritée de la guerre froide. Ce discours lui permet de faire la sourde oreille chaque fois que son bilan en matière de droits de la personne ou de politique étrangère est remis en cause. L'Occident l'accuse d'être lié à l'assassinat d'opposants en Russie, de s'en prendre à d'anciens agents de renseignements en Grande-Bretagne ou d'intervenir dans des élections étrangères : pure paranoïa, répond inlassablement le président Poutine. Lundi, Donald Trump lui a donné un sacré coup de pouce en disant que c'est «  la stupidité des États-Unis  » qui explique en grande partie les mauvaises relations russo-américaines et non pas les agissements du Kremlin. Saisissant au vol le tweet auto-incriminant du président américain, le ministère des Affaires étrangères russe a écrit : nous sommes bien d'accord.

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Renouveler le statut de puissance mondiale

Grande priorité de Vladimir Poutine : redonner à la Russie le statut de grande puissance mondiale, statut qui a été ébranlé par l'explosion de l'Union soviétique et les années de difficultés économiques qui ont suivi. C'est dans cette optique que la Russie joue les trouble-fête au Conseil de sécurité et que Moscou a orchestré l'annexion de la Crimée et soutenu la rébellion dans l'est de l'Ukraine. Les commentateurs russes ont noté qu'en agissant de manière aussi «  docile  » en Finlande alors qu'il s'est récemment montré pugnace à l'égard d'Angela Merkel, de Theresa May et de Justin Trudeau, Trump a démontré qu'il considère la Russie comme «  l'égale  » des États-Unis. «  La tentative des Américains de construire un monde unipolaire n'a pas fonctionné. Gloire et félicitations à Vladimir Poutine d'avoir élevé le statut de la Russie à un tel niveau dans l'arène internationale que, malgré la tentative des États-Unis et de l'Europe de nous confronter et d'imposer des sanctions, ils sont obligés de trouver un terrain commun avec nous », a dit Viktor Bondarev, à la tête du comité russe de défense et de sécurité. Pour Poutine, cette perception est particulièrement importante ; sa popularité auprès de 70 % de sa population est liée à ses succès à l'étranger, selon les plus récents sondages.

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Nettoyage à sec syrien

La guerre en Syrie, qui semble tirer à sa fin, a trois grands vainqueurs : le dictateur Bachar al-Assad, qui semble en voie de récupérer le pouvoir absolu ; l'Iran, son allié le plus fidèle depuis le début du conflit qui a fait au moins 300  000 morts en sept ans ; et la Russie, qui, si elle est arrivée tard dans la partie, a joué un rôle central dans plusieurs victoires du régime syrien. À Helsinki, le président américain a affirmé que la Russie avait agi dans l'intérêt d'Israël en prenant notamment le contrôle de Deraa, un des derniers bastions de rébellion anti-Assad. Donald Trump a aussi loué les communications entre les forces armées américaines et russes. Tout ça donne un vernis de légitimité à l'intervention russe en Syrie et nettoie à sec les crimes de guerre dont est accusée la Russie.

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Semer le doute

De l'aveu même des médias multilingues entretenus par le Kremlin, que ce soit Russia Today ou Spoutnik, un des principaux objectifs de la guerre de l'information à laquelle s'adonne la Russie est de semer le doute dans la tête de ceux qui consomment leur contenu, en offrant un point de vue russe sur les grands événements ou en présentant des faits et des témoignages « alternatifs ». Le camp russe de cette guerre virtuelle s'est trouvé un allié hors pair dans la personne du président américain. Donald Trump avait beau dire hier qu'il croit ses services secrets au sujet de l'intervention russe lors de l'élection de 2016, il a semé le doute à Helsinki en privilégiant la version de Vladimir Poutine, qui nie toute interférence.

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Briser l'isolement de la Russie

Mise à l'écart du G8. Criblée de sanctions économiques. Bête noire de l'OTAN. Cible de la Cour européenne des droits de l'homme. Depuis l'éclatement du conflit en Ukraine en 2014, la Russie est sur le banc des cancres de l'Occident, un isolement que Vladimir Poutine tente de combattre en bâtissant des alliances avec d'autres régimes autoritaires. Depuis son arrivée au pouvoir, Trump s'est attaqué maintes fois aux politiques de son propre pays et de ses alliés à l'égard de la Russie. Il a refusé pendant un temps d'imposer de nouvelles sanctions à Moscou et suggéré au G7 de laisser la Russie regagner ses rangs. La rencontre à Helsinki était un autre grand pas, unilatéral, dans la réinsertion de la Russie à la table des grands. Qu'a obtenu Trump en échange  ? Pas grand-chose, semble-t-il. Les deux présidents ont fait état de leurs discussions, mais pas de promesses formulées par la Russie, si ce n'est l'appui vague aux États-Unis dans le dossier nord-coréen. Pas exactement le «  deal  » du siècle pour celui qui prétend être le meilleur négociateur au monde.

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Score final

Les supporteurs de Vladimir Poutine ont sabré la champagne quand Donald Trump a remporté l'élection présidentielle en 2016. Cette fois, ils déboucheront sans doute quelques bouteilles de leur meilleure vodka.

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