Des diplomates qui tiennent leurs domestiques en servitude. D'autres qui trempent dans la traite de personnes ou prennent le volant en état d'ébriété. Des cas de violence conjugale et d'abus d'enfants.

De récentes informations dévoilées par nos collègues Gabrielle Duchaine et Louise Leduc démontrent que tout ne va pas pour le mieux derrière les portes de certaines ambassades étrangères campées à Ottawa.

Le gouvernement tente tant bien que mal de rappeler les fautifs à l'ordre, mais il se heurte à l'immunité diplomatique conférée aux diplomates et à leur famille par la Convention de Vienne et un ensemble de traités internationaux.

Le Canada n'est pas le premier pays à faire face à ce problème. La Grande-Bretagne a relevé plus de 3000 infractions commises sur son territoire par des diplomates entre 2010 et 2013. La question des domestiques est, là aussi, au coeur du malaise. Dans un rapport du mois de mars, Human Rights Watch raconte plusieurs cas de travail forcé, de salaires de misère et de conditions de travail indécentes. «Les domestiques immigrés qui sont à l'emploi de diplomates sont particulièrement vulnérables. L'immunité diplomatique et les privilèges protègent les diplomates contre des lois nationales en vigueur», écrit l'organisation de défense des droits de la personne.

L'immunité en question

Que peuvent faire les États face aux diplomates délinquants? Leur champ d'action est restreint. Trop restreint. Selon la Convention de Vienne, le Canada peut demander au pays du diplomate fautif de lever son immunité, mais rares sont les pays à s'exécuter. Il peut aussi déclarer un individu persona non grata et lui ordonner de quitter le territoire. Ou encore, demander au pays de nationalité du diplomate de le juger. Le Canada avait eu recours à cette dernière option en 2002 lorsqu'un diplomate russe a tué une piétonne à Ottawa alors qu'il conduisait en état d'ivresse. Il avait été condamné à 4 ans d'emprisonnement en Sibérie.

Plusieurs crimes perpétrés restent cependant impunis. Dans les années 80, un violeur en série, Manuel Ayree, a pu s'en sortir sans tracas aux États-Unis parce qu'il était le fils d'un diplomate ghanéen. L'an dernier, les États-Unis ont dû s'excuser après avoir arrêté et fouillé une représentante indienne accusée d'avoir menti au sujet d'une domestique qu'elle payait 3$ de l'heure.

L'immunité diplomatique est un principe important qui permet aux ambassades de faire leur travail sans interférence ou représailles, mais la multiplication des doléances au cours des dernières années suggère qu'elle va trop loin. Les diplomates qui commettent des crimes ou des violations des droits de la personne devraient répondre de leurs actes quelque part. Un document du Conseil du barreau britannique suggère que la Cour internationale de justice à La Haye soit saisie de ces cas. L'idée est intéressante et mérite d'être étudiée.

Des pays comme le Canada et la Grande-Bretagne sont en bonne position pour demander une réflexion internationale sur le sujet. Plus de 50 ans après l'entrée en vigueur de la Convention de Vienne, le temps est venu.

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