Pourriez-vous vous rappeler tous vos rendez-vous chez le médecin depuis cinq ans ? Et des dates exactes de vos week-ends aux États-Unis ? Ou encore, pourriez-vous retrouver les contrats que vous avez signés avec des clients depuis 2009 ?

C'est exactement le genre d'information qu'ont dû fournir depuis deux ans près de 15 % des résidents permanents qui ont voulu devenir citoyens canadiens et ont eu le malheur de recevoir une nouvelle mouture du « questionnaire de résidence » de la part du gouvernement fédéral.

En fait, ce n'est là que la pointe de l'iceberg des documents qu'ils ont eu à remettre dans l'espoir de prêter allégeance à la Reine lors d'une éventuelle cérémonie de citoyenneté.

La liste s'allonge encore et encore : lettres des lieux de culte et des organismes communautaires fréquentés, lettres de fournisseurs et de clients pour ceux qui ont une entreprise, formulaires T4 depuis l'arrivée au Canada, ensemble des relevés bancaires et de cartes de crédit, baux et preuves de paiement du loyer.

Selon les organismes qui travaillent auprès des immigrants, il n'est pas rare que la pile de documents remise soit plus épaisse qu'un bottin téléphonique. Et tout ça doit être compilé et envoyé au gouvernement en 45 jours. Une tâche herculéenne que même Astérix dans Les douze travaux aurait eu peine à accomplir !

Il n'est donc pas étonnant de lire sous la plume de notre collègue Annabelle Blais que le nombre de citoyennetés accordées au Canada ne cesse de diminuer. Si en 2006, année de l'arrivée des conservateurs au pouvoir, 260 804 personnes accédaient à la citoyenneté, ils n'ont été que 128 977 l'an dernier. Une chute vertigineuse qui s'est accélérée depuis l'adoption du questionnaire renouvelé en 2012.

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Le gouvernement de Stephen Harper ne cache pas qu'il veut rendre la citoyenneté plus difficile à obtenir et plus facile à perdre. La loi C-24 qui a été adoptée le mois dernier dans la controverse allonge de trois à quatre ans la période de résidence nécessaire pour demander la citoyenneté.

Le gouvernement explique utiliser le « questionnaire de résidence » pour démasquer les fraudeurs qui mentent sur le temps passé au pays. Ce travail est nécessaire, mais le moyen utilisé pour y parvenir doit être le bon. En soupesant l'ampleur de la preuve exigée des demandeurs et le court laps de temps accordé, on se demande si le gouvernement est vraiment à la recherche des tricheurs ou s'il ne met pas carrément des bâtons dans les roues des aspirants canadiens.

Même les employés de Citoyenneté et Immigration Canada semblent y perdre leur latin. Des documents obtenus par La Presse par le biais de la loi d'accès à l'information démontrent que les agents d'information peinent à répondre aux questions du public sur les règles exactes du questionnaire. La maison qui rend fou, c'est drôle dans les bandes dessinées, mais ça n'a pas sa place dans les procédures administratives canadiennes.

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