Depuis qu'il a été appréhendé en Afghanistan il y a 12 ans et accusé de meurtre d'un militaire américain, beaucoup de gens ont parlé au nom d'Omar Khadr.

Les gouvernements américain et canadien l'ont fait. Ses avocats et sa famille aussi. On a même pu voir une vidéo dans laquelle les services secrets canadiens l'interrogeaient.

À quelques années de la fin de sa sentence, ce serait la moindre des choses de laisser le Canadien, aujourd'hui âgé de 27 ans, raconter son histoire à des journalistes. C'est son droit et les autorités canadiennes doivent cesser de lui mettre des bâtons dans les roues.

Depuis que le Torontois d'origine a été rapatrié au Canada du camp de détention de Guantanamo Bay, toutes les demandes d'entrevues des journalistes ont été rejetées par les services correctionnels. Sauf une. L'unique fois que le pénitencier de Millhaven en Ontario a dit oui à la Presse Canadienne, c'est le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, qui s'y est opposé.

Le dernier refus vient de l'institution Bowden en Alberta, où Omar Khadr est actuellement détenu. Selon les journalistes éconduits, le patron du centre correctionnel aurait évoqué les «dérangements» que l'entrevue entraînerait et la «notoriété» accrue qui découlerait de sa diffusion, rendant la réintégration du jeune homme plus difficile.

En quoi la présence d'une équipe de journalistes entraverait-elle la vie dans une prison à sécurité moyenne? Difficile à dire. La deuxième raison est empreinte de condescendance. N'est-ce pas à Omar Khadr de décider de ce qui est bon pour lui?

La condescendance s'étend aussi au public canadien, qui, lui, a le droit de savoir. Savoir ce qu'Omar Khadr pense du Canada, des États-Unis, de sa famille et d'Al-Qaïda après toutes ces années. Savoir ce qu'il compte faire après sa remise en liberté.

Les journalistes pour leur part ont le droit de faire leur travail. La journaliste Michelle Shephard du Toronto Star enquête sur l'affaire Khadr depuis 12 ans. Elle s'est rendue à Guantanamo 26 fois. A écrit un livre. Aujourd'hui, elle et une équipe de documentaristes doivent s'adresser aux tribunaux pour exercer leur liberté de presse et avoir accès à un homme qui veut leur accorder une entrevue.

L'épouvantail

De quoi les autorités canadiennes ont-elles peur en laissant Omar Khadr parler aux médias? Qu'il les blâme de l'avoir laissé croupir à Guantanamo alors que tous les autres pays occidentaux ont récupéré leurs ressortissants? Qu'il rappelle qu'il avait 15 ans au moment des faits reprochés? Nous savons tout ça. Ou serait-ce que le gouvernement craint que les Canadiens ne développent une certaine sympathie pour un homme qui leur a été longtemps présenté comme un épouvantail? L'épouvantail a une tête, des bras et une histoire à raconter. Le public canadien est apte à se faire sa propre idée.

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