Ce n'était pas une «secte», c'était un «groupe de croissance». Ce n'était pas une «thérapie», c'était un «séminaire d'épanouissement personnel». Ce n'était pas «Gabrielle Fréchette», c'était «Séréna» à travers qui parlait «Melkisédech».

Des mots, des mots, des mots. Et un fait incontesté: la mort de Chantal Lavigne après une expérience de sudation, où son corps était enveloppé d'une pellicule plastique, sa tête recouverte d'une boîte de carton, le tout dans une pièce surchauffée. «On peut dire qu'elle est morte cuite», avait carrément dit le coroner Gilles Sainton.

Avec l'arrestation de Mme Fréchette et de ses deux collaborateurs, Ginette Duclos et Gérald Fontaine, tous trois accusés de négligence criminelle, le tribunal jugera la responsabilité du trio dans ce fait irréfutable, le décès de Chantal Lavigne.

Reste à s'occuper des «mots». Ceux qu'a cru Chantal Lavigne, au point de flamber des milliers de dollars dans l'espoir de soulager un mal de l'âme. Ceux qu'utilisent les gourous et autres «pseudothérapeutes», tant pour enjôler que pour se laver de toute responsabilité. Ceux qui bercent des tas de personnes prises d'un mal de vivre, qui veulent croire les promesses de sérénité faites par des personnes pas toujours bien intentionnées.

C'est justement aux «mots» que s'attaque la nouvelle loi, adoptée en juin, sur l'encadrement de la psychothérapie. Jusqu'ici, la «psychothérapie» était un descriptif fourre-tout employé notamment par des charlatans pour mettre un vernis professionnel à leurs pratiques douteuses. Désormais, la pratique de la psychothérapie s'exercera avec un permis, par des gens formés en relation d'aide (psychologues, évidemment, mais aussi infirmières, psychoéducateurs, et autres professions régies par un ordre) ou des gens qui auront démontré leur compétence en la matière.

La psychothérapie ne s'arrête pas qu'au mot - c'est l'intention qui compte. Qu'il s'agisse d'une «séance de formation», d'un «groupe de partage de vécu» et autres interventions psychologiques, l'Ordre des psychologues a bien l'intention d'aller y mettre son nez. «Un professionnel ne vous promettra pas de miracle», répète la présidente, Rose-Marie Charest.

D'où le volet le plus important de la bataille des mots: l'information. Toutes les enquêtes et toutes les amendes n'arrêteront pas les charlatans qui invoqueront - on s'y attend déjà - «l'acharnement d'un système contre leurs méthodes qui dérangent». Habiles manipulateurs, ils arriveront toujours à convaincre leurs admirateurs obnubilés que leur démarche est la bonne.

«Ils ont le pouvoir qu'on leur accorde», dit la criminologue Marie-Andrée Pelland. Tout à fait. Un titre de psychothérapeute ne signifie pas que son porteur est un bon thérapeute. Il faut aussi miser sur le développement d'une saine pensée critique. C'est la meilleure façon de s'assurer que, le jour où soi-même ou un proche aura besoin d'aide, les mots pour soigner ne seront pas que paroles en l'air.