Blâmer une administration sportive qui a fermé les yeux sur des agressions sexuelles était évidemment une chose à faire. Déboulonner (littéralement) la statue d'un ancien entraîneur, victorieux mais complice de crimes, envoyait un message clair.

Mais le coup que vient de porter l'association régissant le football américain universitaire (NCAA) à l'équipe de l'Université Penn State résonnera vraisemblablement assez fort pour que même les plus durs d'oreille ne puissent faire comme s'ils n'avaient rien entendu. Ou dire qu'ils ne se sentent pas concernés.

Rappel de l'affaire: le 22 juin, l'ancien entraîneur adjoint Jerry Sandusky a été reconnu coupable de 45 chefs d'accusation d'agression sexuelle sur des mineurs. Pendant 15 ans, il a abusé d'une dizaine de garçons, parfois à son domicile, parfois sur le campus. Son patron, le légendaire entraîneur Joe Paterno, et d'autres administrateurs du club, étaient au courant de la situation et ont fermé les yeux.

Le club des Nittany Lions de l'Université Penn State est une institution du football collégial américain. Dirigé pendant 46 ans par Joe Paterno, il a remporté 409 victoires, dont 24 finales - l'homme détenait d'ailleurs le record de victoires de tous les temps.

Hier, la NCAA a dépouillé l'équipe des victoires de Joe Paterno entre 1998 et 2011 (111 victoires). L'équipe devra payer une amende de 60 millions de dollars. Elle est bannie de toute participation aux finales (bowls) pour les quatre prochaines années. Son programme de bourses universitaires sera amputé. Ses joueurs sont libres d'accepter une offre pour aller jouer pour une autre école. Penn State pourrait mettre 10 ans à retrouver son statut d'équipe d'élite.

L'annonce a causé une commotion qui témoigne à elle seule du défi qui attend la NCAA pour changer cette culture du sport universitaire superpuissant. Des commentateurs ont accusé la NCAA de profiter de l'occasion pour tenter d'asseoir sa propre autorité au milieu d'équipes riches et influentes. Des joueurs se sont plaints d'être sanctionnés alors qu'ils n'ont rien à voir dans cette histoire.

Rien à voir? Chacun des joueurs touchés par les sanctions n'a individuellement et directement rien à voir avec les agressions sexuelles commises par l'ancien entraîneur envers des enfants. Mais avec ces mesures, la NCAA s'attaque de front à un système qui a érigé le sport universitaire au-dessus des intérêts des jeunes, quitte à aveugler ceux qui en sont le plus concernés.

Désormais, dans la NCAA, se taire pour protéger une équipe quand on est témoin d'une agression sexuelle aura des conséquences bien pires que de dénoncer ces crimes. «Le football n'aura plus jamais la priorité sur l'éducation, l'encadrement et la protection des jeunes», a dit le président de la NCAA, Mark Emmert. Une évidence, pour la plupart d'entre nous. Mais il n'est pas mauvais de le répéter pour ceux qui sont un peu durs d'oreille.