La première ministre Pauline Marois a déclenché des élections générales dans l'espoir de procurer une majorité au Parti québécois. Pourrait-elle avoir joué un tour à ses troupes, de façon bien involontaire, en précipitant son appel aux urnes? Et si, le soir du 7 avril, les électeurs québécois portaient au pouvoir une majorité... libérale?

Quand on jette un coup d'oeil attentif aux résultats du scrutin de septembre 2012 dans chaque circonscription, on peut en déduire que la majorité est davantage à la portée du Parti québécois. Cependant, il ne faudrait pas écarter d'un revers de main la possibilité que le chef libéral Philippe Couillard dirige le prochain gouvernement jusqu'en 2018. Ce scénario reste d'autant plus plausible si la Coalition avenir Québec s'effondre: une poignée de députés de la CAQ et de Québec solidaire réduirait considérablement, sur le plan mathématique, les probabilités d'un gouvernement minoritaire, péquiste ou libéral.

Un léger changement d'humeur des électeurs francophones, équivalant à quelques points de pourcentage, suffirait à faire basculer une majorité péquiste prévisible en majorité libérale inattendue.

Ce ne sera pas de la tarte pour les libéraux, toutefois. Non seulement doivent-ils faire plus de gains que les péquistes - le PQ avait raflé 54 sièges en 2012, contre 50 pour les troupes de Jean Charest -, mais ils devront sauver un plus grand nombre de sièges remportés in extremis.

Alors, comment le Parti libéral pourrait-il s'assurer d'une majorité à l'Assemblée nationale (au moins 63 députés)?

Au départ, il sera très difficile au PQ de déloger le PLQ dans 41 circonscriptions où il lui a concédé une avance supérieure à 5%. Mais il s'agit quand même d'un déficit de 10 sièges presque «sûrs» par rapport au Parti québécois.

À l'instar du PQ, le PLQ devrait soutirer six sièges au parti de François Legault si la dégringolade de la CAQ se concrétise le 7 avril. Ainsi, Charlesbourg, Lévis et Montmorency, Portneuf, Vanier (dans la région de Québec) et même Arthabaska (représentée par Sylvie Roy) risquent de passer dans le camp libéral.

Avec ces 47 circonscriptions en poche, M. Couillard aura encore beaucoup de pain sur la planche pour recueillir les 16 sièges qui le séparent d'un job de premier ministre d'un gouvernement majoritaire.

• D'abord, le PLQ devra batailler ferme pour conserver les huit circonscriptions décrochées par quelques centaines de voix il y a un an et demi. Dont celui de Mégantic, où Mme Marois a impressionné par son empathie et son engagement à la suite de la tragédie.

• Dans le même élan, les libéraux devront tirer le tapis sous les pieds de Mme Marois dans deux circonscriptions péquistes menacées: Saint-François, Abitibi-Est. Sans oublier Roberval, où le chef Philippe Couillard se présente.

• Aller chercher les cinq sièges encore nécessaires à une majorité exigera que le Parti libéral ait littéralement le vent dans les voiles, c'est-à-dire au moins 40% des voix à l'échelle de la province. C'est seulement à cette condition que le PLQ pourra détrôner le PQ dans les circonscriptions où le PQ jouit d'une avance confortable de 6 à 9%, ou pousser le CAQ dans les câbles dans ses châteaux forts (Beauce-Nord, La Peltrie, Chauveau). À noter: plus la déconvenue de la CAQ sera forte au scrutin, plus le PLQ en retirera des dividendes.

On le constate, la commande est énorme pour les libéraux. La côte est abrupte, certes, mais pas insurmontable. Sinon, Robert Bourassa et Jean Charest n'auraient pas réussi à gouverner sans partage pendant deux mandats chacun après des règnes du Parti québécois.