Incroyable. C'est le superlatif qui a résonné dans l'enceinte de la piscine olympique quand la nageuse chinoise Ye Shiwen a raflé l'or au 400 mètres 4 nages au premier jour de compétitions des Jeux de Londres.

Incroyable, mais pas vraiment dans le sens élogieux d'extraordinaire, d'éblouissant. Plutôt dans le sens d'impossible, de «ça ne se peut pas». En termes voilés, on laissait entendre que la jeune prodige de 16 ans s'était forcément dopée. Depuis, la rumeur a enflé. Ainsi est née la première grande controverse de ces Jeux.

Il faut admettre que le temps en finale de Ye Shiwen avait de quoi provoquer l'incrédulité. D'abord, Ye Shiwen a pulvérisé le record mondial par trois secondes. C'est énorme.

Ensuite, elle a retranché cinq secondes à la performance qu'elle avait réalisée aux championnats du monde l'an dernier. Une progression hallucinante.

Mais là où des connaisseurs en natation ont commencé à tiquer, c'est quand ils ont réalisé que la Chinoise avait franchi les 50 derniers mètres (en style libre) avec un chrono inférieur à celui du vainqueur masculin de la même épreuve, l'Américain Ryan Lochte... qui venait de réussir la deuxième meilleure prestation de l'histoire.

La jeune Chinoise n'a rien fait pour dissiper le doute en confirmant sa suprématie, hier, au 200 mètres 4 nages.

De nos jours, les soupçons de dopage guettent tous les athlètes de haut niveau. Mais quand l'un d'entre eux parvient à dominer outrageusement ses adversaires au point de faire écarquiller les yeux, les sourcils se froncent inévitablement. Et les langues commencent à se délier.

Le directeur de la Fédération internationale des entraîneurs de natation, John Leonard, a été le premier à publiquement remettre en cause la performance «troublante» de Ye Shiwen. L'Américain n'a pas manqué de rappeler le dopage systématique des Est-Allemandes dans les années 70 et 80 - on se souviendra de ces nageuses baraquées aux Jeux de Montréal -, suivi des scandales chinois qui ont marqué la décennie 90.

Jalousie, ont rétorqué les autorités chinoises, qui invoquent qu'elles testent davantage leurs nageurs que leurs homologues américains et australiens, deux puissances en natation. Michael Phelps n'a pas eu droit à de telles allusions malveillantes malgré ses huit médailles d'or à Pékin. Alors, demande la Chine, pourquoi s'en prendre maintenant à sa nouvelle sensation, qui a été recrutée à l'âge de 6 ans parce qu'elle avait de «grandes mains» ?

Il est malheureux, mais compréhensible après toutes ces histoires de dopage qui ont entaché les Jeux, qu'une présomption de dopage pèse désormais sur les épaules des champions. Mais évitons, en cette quinzaine olympique, de verser dans le cynisme. Tant qu'il n'aura pas été démontré que Ye Shiwen a triché, accordons-lui le bénéfice du doute et applaudissons ses exploits ainsi que ceux des autres olympiens.