Les députés indépendants poussent comme des champignons à l'Assemblée nationale. En date d'aujourd'hui, pas moins de 10 des 125 députés provinciaux siègent à titre d'indépendants.

Parmi eux, sept ont été élus sous la bannière du Parti québécois en décembre 2008: Jean-Martin Aussant, Louise Beaudoin, Pierre Curzi, Lisette Lapointe, Benoît Charrette, ainsi que René Gauvreau et Daniel Ratthé (tous deux expulsés par la chef Pauline Marois). Deux autres députés, Éric Caire et Marc Picard, ont déserté l'Action démocratique du Québec après la tumultueuse course à la direction qui a suivi le départ de Mario Dumont. L'ancien ministre libéral de la Famille, Tony Tomassi, qui fait face à des accusations de fraude, a été évincé du caucus du Parti libéral.

Une fois devenus indépendants, ces députés ont-ils encore la légitimité de représenter les électeurs de leur circonscription? Après tout, les citoyens de Nicolet-Yamaska, Rosemont, Borduas, Crémazie ou La Peltrie ont-ils accordé un mandat à leur député sans égard à leur allégeance à un parti? Absolument pas.

En vertu de la tradition britannique dont s'inspirent nos institutions parlementaires, il est vrai que le mandat premier d'un député est de servir les intérêts des citoyens de sa circonscription. Rien ne l'empêcherait donc de bien s'acquitter de ses tâches même s'il renie son parti.

Toutefois, dans les faits, on sait pertinemment que les électeurs votent rarement en fonction de la qualité du candidat. Leur choix se porte d'abord et surtout sur le parti politique ou le chef auquel ils s'identifient le plus. Bien sûr, la notoriété d'un candidat - Pierre Curzi par exemple -, peut contribuer à son élection. Mais serait-ce suffisant pour l'emporter sans l'appartenance à des partis aux machines bien huilées? Sauf exception - André Arthur au fédéral en 2006 -, on peut en douter.

Conséquemment, on est en droit de se demander si le député qui tourne le dos à sa formation politique du jour au lendemain jouit encore de la légitimité nécessaire pour exercer ses fonctions, particulièrement lorsqu'il part de façon volontaire. Les citoyens pourraient certes lui reprocher son manque de loyauté.

Au plan éthique, il serait souhaitable que les députés qui font défection démissionnent aussi de leur poste de député et fassent renouveler la confiance des concitoyens de leur circonscription à leur endroit lors d'une élection partielle.

Qu'en est-il maintenant du maraudage exercé par la Coalition Avenir Québec auprès de députés indépendants? S'ils devaient céder au chant des sirènes de François Legault, leur légitimité en serait-elle rehaussée ? Pas davantage. La CAQ ne s'est jamais présentée devant l'électorat. Comment un député pourrait-il occuper une banquette de l'Assemblée nationale sous la bannière de la CAQ alors que les électeurs n'ont pas eu la chance de se prononcer de façon démocratique sur les politiques de ce parti nouveau-né?