Le ciel économique se dégage au-dessus du pays, claironne la Banque du Canada. Les nuages de la récession se dissipent peu à peu. Même si le gouverneur Mark Carney s'attend à une reprise graduelle, ses prévisions optimistes de croissance pour 2010 et 2011 ont de quoi faire sourciller plus d'un économiste.

En soi, il n'est pas surprenant que le Canada soit le premier pays industrialisé à annoncer sa sortie de la crise. Son système financier est le plus solide de la planète, son marché immobilier ne s'est pas effondré comme aux États-Unis ou en Europe. Les taux d'intérêt maintenus au plancher par la banque centrale ont permis aux ménages canadiens de souffler et à la consommation intérieure de ne pas trop s'effriter, malgré la débâcle qui a secoué le globe. L'augmentation du prix des ressources, dopé par la forte demande chinoise, a contribué à maintenir l'économie canadienne à flot. D'où une récession qui n'aura duré que trois trimestres, la plus courte en 50 ans, si le retour à la croissance se confirme cet été.

Dans son rapport sur la politique monétaire, M. Carney n'y va pas avec le dos de la cuillère: il entrevoit une croissance de 3% en 2010 et de 3,5% en 2011. On veut bien faire preuve d'optimisme, mais il apparaît prématuré, à maints égards, de prédire un retour aussi spectaculaire à une croissance vigoureuse. Cela n'est pas sans nous rappeler les prévisions jovialistes et à contre-courant de la Banque du Canada en janvier dernier. Il semble que M. Carney ait récupéré les lunettes roses qu'il avait jetées au panier lors de sa mise à jour d'avril.

Le gouverneur mise sur un regain des exportations qui viendra bientôt appuyer les dépenses soutenues des consommateurs. Pourtant, les livraisons manufacturières à l'étranger montrent encore des signes de faiblesse. M. Carney compte notamment sur une recrudescence des ventes dans les secteurs de l'automobile et de la construction aux États-Unis pour pousser la croissance canadienne vers le haut. Toutefois, en dépit de signaux encourageants, les Américains ne se sont pas encore extirpés de leur bourbier financier. Leur marché immobilier a ralenti sa dégringolade, qui s'éternise depuis trois ans, mais on s'attend à ce que le prix des maisons chute encore pendant quelques mois. Le taux de chômage n'atteindra pas le fond du baril avant la mi-2010. Deux facteurs qui freineront leur soif de consommation et leurs achats de produits canadiens, déjà pénalisés par la politique Buy American d'un plan de relance mitigé.

Les prévisions de croissance de la Banque du Canada reposent sur un dollar canadien à 87 cents. Or, le huard caracolait à plus de 92 cents hier sur le marché des changes, de plus en plus populaire parce que le Canada se démarque des autres économies avancées et parce que le billet vert continue de se déprécier. Et aussi grâce au prix du baril de pétrole, qui a repris du poil de la bête depuis février. Ce n'est rien pour ramener un sourire sur les lèvres des manufacturiers canadiens et améliorer notre balance commerciale.

M. Carney a raison de craindre une flambée du dollar canadien. Un huard qui poursuivrait son envol pourrait carrément empêcher la reprise de décoller.

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