La propriété du Canadien revient en terre québécoise. La famille Molson récupère ainsi le joyau qu'elle avait cédé à George Gillett au début des années 2000. Bien qu'il n'était pas essentiel que le Tricolore et le Centre Bell soient vendus à des intérêts de chez nous, il s'agit indéniablement d'une excellente nouvelle pour les partisans.

L'attachement sentimental des Molson au Canadien ne date pas d'hier: ils ont été propriétaires de l'équipe pendant quatre décennies. Sous leur houlette, le Canadien a engrangé les Coupes Stanley et est devenu une véritable dynastie du sport professionnel. Molson rime avec tradition: ils ont le CH tatoué sur le coeur.

Pour remettre le grappin sur la concession, les frères Geoffrey, Andrew et Justin Molson ont dû ouvrir leurs goussets pour triompher au photo-finish. Jusqu'au fil d'arrivée, le clan Quebecor et Stephen Bronfman leur auront livré une dure bataille. Molson Coors détenant 19,9% des actions du club, des membres de la famille faisaient partie du conseil d'administration du Canadien. En dernier ressort, les liens étroits qui les unissaient à M. Gillett ont dû peser lourd dans la balance.

M. Gillett a toutes les raisons de sourire à pleines dents. Comme nous l'avions souligné dans nos pages lorsqu'il s'était dit disposé à vendre l'équipe, il existait un danger réel que les nouveaux acquéreurs soient contraints de payer une "prime québécoise" si plusieurs joueurs financiers d'ici devaient s'affronter plutôt que de faire front commun.

C'est exactement ce qui s'est produit: trois groupes du Québec se sont engagés dans une compétition féroce qui a fait monter les enchères. Si bien que, en langage de hockey, M. Gillett a réussi un tour du chapeau. À presque 600 millions, estime-t-on, la somme de la transaction sera la plus élevée qui aura été versée pour une franchise de la Ligue nationale de hockey.

Pour Pierre Karl Péladeau, c'est une occasion en or qui vient de lui glisser entre les doigts. Nul doute que l'acquisition du Canadien aurait cadré à merveille avec la stratégie de convergence de Quebecor. La direction de RDS, qui retransmet les matchs du Canadien, doit respirer mieux ce matin.

À défaut d'une Coupe Stanley, George Gillett aura réussi à faire doubler la valeur du Canadien. Il récolte les fruits de ses efforts judicieux en marketing pour renforcer le sentiment d'appartenance des Québécois à la sainte Flanelle. Pas mal pour un propriétaire américain! Cela dit, il aura besoin de ses profits substantiels pour renflouer ses finances chaotiques que la crise économique a malmenées.

Bien qu'il s'en défende pour l'instant, il ne serait pas surprenant que Serge Savard revienne au bercail chez le Canadien. Ça mettrait du baume au coeur de l'ancien directeur général qui avait été cavalièrement mis à la porte par le président Ronald Corey dans les années 90.

Les frères Molson héritent d'une franchise beaucoup plus solide que celle dont la famille s'était elle-même départie il y a huit ans. Les partisans inconditionnels s'attendent maintenant à ce qu'ils bâtissent une équipe susceptible d'aspirer à la Coupe Stanley, qui n'a pas paradé dans la rue Sainte-Catherine depuis maintenant 16 ans.