La récession s'essouffle, les signaux encourageants s'accumulent au compte-gouttes. Mais lorsque la croissance reviendra en territoire positif, sera-t-elle durable? Et si c'était un faux départ?

Les ventes au détail reprennent bien du poil de la bête, les consommateurs se montrent moins pessimistes, le nombre de demandes de prestations de chômage réduit sa folle cadence. On semble avoir touché le fond du baril, mais il serait prématuré de parler d'une remontée.

On cherche la moindre parcelle d'espoir, on préfère s'attarder à la portion du verre qui est pleine. Mais jusqu'à point l'est-elle vraiment? Par moments, on prend ses désirs pour la réalité.

Le moteur de l'économie mondiale reste le consommateur américain. Sans son concours, toute reprise est illusoire. Et rien ne l'autorise présentement à ouvrir son portefeuille. Malgré un recul de plus de 30% du marché immobilier depuis trois ans, la valeur des maisons devrait continuer à chuter pendant encore quelques mois. Le taux de chômage devrait dépasser les 10% avant la fin de 2009. Rien pour requinquer un actif passablement amoché.

Comble de malheur, les Américains risquent de se faire coincer entre des taux d'intérêt plus élevés et une poussée du taux d'inflation, susceptibles de tuer dans l'oeuf une reprise qui s'annonce déjà fragile.

Pour financer son plan de relance, le gouvernement Obama a accumulé des tonnes de dettes qui coûteront de plus en plus cher à financer. La tendance se manifeste déjà: le rendement des bons du Trésor de 10 ans a franchi le cap des 4% la semaine dernière. Déjà mis à genoux par la crise, les Américains auront bien du mal à se relever s'ils doivent assumer des intérêts plus élevés pour rembourser leur hypothèque ou régler le solde de leurs cartes de crédit.

L'inflation, maintenant. L'augmentation de la demande mondiale en pétrole a provoqué une hausse importante des prix à la pompe et a contribué à rogner le pouvoir d'achat des Américains. Par ailleurs, la chute prononcée du billet vert a fait grimper le prix des produits importés. Deux facteurs qui handicapent nos voisins du Sud, déjà moins portés à la dépense depuis qu'ils ont redécouvert les vertus de l'épargne (pour ceux qui en ont les moyens).

Viendra aussi un temps pas trop lointain où le président Obama devra se résigner à augmenter les impôts de ses concitoyens pour mettre un frein à l'escalade des déficits. Les portes de secours se referment une à une.

Il est donc plausible qu'après un bref sursaut, l'économie flanche de nouveau en 2010. Les économistes parlent du phénomène de «double dipping». Ou, si vous préférez, d'une courbe en W, au lieu du réconfortant V auquel les récessions précédentes nous ont habitués.

Oui, bien sûr, le Canada s'en tire à bon compte jusqu'à maintenant. Nous sortirons vraisemblablement de la crise économique avant les autres pays industrialisés, sans avoir trop souffert, particulièrement au Québec. Mais notre dépendance envers le marché américain devrait nous inciter à la prudence avant de crier victoire. Une rechute est si vite arrivée.