Devant les tribunaux, les accusés bénéficient de la présomption d'innocence. Les athlètes de haut niveau, eux, n'ont plus droit au bénéfice du doute. Dans le jugement populaire, une présomption de dopage leur colle désormais à la peau.

Au fil des années, au fur et à mesure que les cas de tricherie ont été éventés, la pure joie d'applaudir des exploits sportifs a progressivement laissé place au scepticisme, puis au cynisme. Il y a 20 ans, toute affaire de dopage était accueillie avec consternation. De nos jours, souvent avec un haussement d'épaules. Le dopage est-il devenu la normalité? L'athlète propre, un extraterrestre?

 

Ces jours-ci, c'est le baseball qui défraie (encore) la manchette. Alex Rodriguez, une vedette des majeures, admet avoir consommé des substances illicites. Il y a quelques jours, ce sont des preuves incriminantes à l'encontre du roi des circuits, Barry Bonds, qui ont refait surface.

Presque tous les sports ont été frappés par des scandales. Dans les rares disciplines épargnées, les plus hautes instances ont parfois nié l'évidence, fermé les yeux sur des exemples patents, balayé les soupçons sous le tapis, de peur d'être éclaboussées.

Il est facile de lancer la première pierre aux tricheurs. Mais imaginons la situation suivante. Tout jeune, vous excellez dans un sport. Pendant des années, vous rêvez de devenir le meilleur. Puis, lorsque vous rejoignez l'élite, vous réalisez qu'il vous manque ce petit quelque chose pour accéder à la gloire, pour monnayer vos milliers d'heures d'entraînement et les sacrifices financiers de vos parents. Pire encore, vous réalisez que vos adversaires se dopent.

Troublant cas de conscience. Rester propre et plafonner, aux portes de la renommée? Ou basculer dans la tricherie et passer à la caisse?

L'Agence mondiale antidopage redouble d'efforts pour débusquer les fraudeurs. Elle y parvient souvent. Mais pour chaque drogue qu'on réussit à démasquer, une autre, plus sophistiquée, parvient à déjouer les contrôles.

Faut-il baisser les bras pour autant? Sûrement pas. Lorsqu'on accentue la lutte contre le dopage, les athlètes déviants sentent au moins l'épée de Damoclès planer au-dessus de leur tête.

Ce qui est profondément ingrat en fin de compte, c'est le jugement que nous portons maintenant sur ces formidables machines humaines qui parviennent à se hisser au sommet sans potion magique. Amateurs ou professionnels, ils éveillent les soupçons, mérités ou non.

Que voulez-vous, beaucoup d'entre nous ont perdu la foi. Notre coeur, nos tripes, voudraient encore y croire. Mais notre tête, elle, n'est plus dupe.

Les grandes performances peuvent-elles encore nous faire vibrer? Certainement, on doit conserver cette capacité d'émerveillement. À condition de donner la chance au coureur. Et au risque d'être trompé.

jbeaupre@lapresse.ca