Quand on compare les plateformes des partis sur la santé, on note bien quelques différences idéologiques. Un peu plus de privé ici, un peu moins là. Telle formation met la priorité sur les CLSC, l'autre sur les supercliniques.

Mais, bien franchement, quand on prend un peu de recul, on réalise que les partis cherchent tous à faire à peu près la même chose : gérer le réseau de manière plus efficiente en augmentant les ressources.

Pas de bouleversement de structures. Pas de transformation en profondeur du réseau. Pas même de promesses fortes visant à accroître considérablement et rapidement l'accès aux soins.

Comme si on était passé à l'ère post-pensée magique.

Comme si on avait réalisé que plus personne ne croit aux grandes promesses (comme celle de Jean Charest en 2012 qui s'était engagé à réduire substantiellement le temps d'attente aux urgences).

Comme si, également, tous les partis souhaitaient tourner la page sur la réforme Barrette et ses années tumultueuses... y compris le PLQ.

Chaque formation y va ainsi de sa hausse de budgets et de ses promesses prioritaires ciblées. La CAQ veut accroître l'accès aux cliniques réseau et aux groupes de médecine de famille. Le PLQ maintient son engagement d'embaucher plus de superinfirmières. Le PQ entend accorder plus d'autonomie au personnel de la santé. Et QS promet des CLSC ouverts jour et nuit.

Pas de révolution donc... mais pas de grande vision non plus, pas de plan d'ensemble. On y va à la pièce. On ne bouscule pas. On cherche à apaiser, plutôt. Et on se limite ainsi à des réponses convenues aux problèmes qu'on juge les plus aigus : heures supplémentaires des infirmières, rareté de préposés aux bénéficiaires, accès aux services de première ligne, etc.

Preuve que les promesses des partis se recoupent plus qu'elles ne se distinguent : la ministre de la Santé envisagée par le PLQ, Gertrude Bourdon, aurait bien pu intégrer la CAQ. Et sa vis-à-vis de la CAQ, Danielle McCann, aurait pu se retrouver au PLQ sans grandes contorsions, si l'on se fie au débat organisé par la Fédération des infirmières du Québec.

Et bien franchement, en polissant un peu les coins, on réalise que c'est sensiblement la même chose avec les formations politiques.

Si la CAQ entend réviser le mode de rémunération des médecins de famille et les libéraux souhaitent élargir la couverture de soins dentaires, par exemple, les deux promettent de resserrer la vis aux médecins de famille et de réduire les tarifs dans les stationnements des hôpitaux.

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Dans le lot, en fait, il y a un seul engagement qui se distingue vraiment par son potentiel transformateur (si l'on excepte certaines idées insolites de QS comme Pharma-Québec). Le PLQ s'est dit favorable à la dépolitisation du réseau de la santé, une proposition fort intéressante... que Philippe Couillard a évoquée in extremis avant-hier, sans avoir l'air d'y croire.

En rencontre au Devoir, le chef libéral s'est en effet engagé dans cette voie prometteuse en disant vouloir confier la gestion quotidienne du réseau de la santé à une société d'État... à condition que le « niveau de maturité du réseau » le permette. Traduction : « P'tête ben qu'oui, p'tête ben qu'non. »

Sinon, pour trouver de véritables lignes de fracture entre les formations, il faut chercher ailleurs que dans les soins et services. Il faut regarder du côté du bilan des libéraux et, surtout, de l'entente de rémunération controversée avec les médecins spécialistes.

Sur ce sujet, il y a deux écoles. Le PLQ, qui défend l'entente en rappelant qu'elle s'est faite en échange de concessions de la part des médecins. Et il y a les trois autres partis, qui s'engagent à déchirer le document, ou à tout le moins à le renégocier à la baisse.

Or si l'entente est bel et bien à hurler, ayant été beaucoup plus loin que le « nécessaire rattrapage » visé, bonne chance pour la réviser ! Bonne chance, donc, pour engranger les milliards que les partis font ainsi miroiter. Il y a donc de fortes chances qu'elle survive aux années Barrette, quoi qu'on en pense.

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Ce qui nous amène, bien sûr, au bilan des libéraux, dans lequel figure cette entente. Il y a là encore deux écoles, celle qui s'arrête aux succès de la réforme, et celle qui n'en a que pour ses échecs. Comme si on pouvait la peindre en blanc ou en noir.

Or si le véritable bilan des libéraux nécessitera du recul, une seule chose apparaît certaine pour l'instant : il est mitigé.

À la base, disons-le, la réforme du docteur Gaétan Barrette partait d'une bonne intention : diminuer les coûts tout en augmentant l'accès. Un objectif qu'elle a atteint jusqu'à un certain point.

D'un côté, le gouvernement a pu réduire la bureaucratie plus encore qu'il ne s'était engagé à le faire. Il a éliminé la taxe santé. Il a créé presque autant de supercliniques que promis. Et il a surtout accru passablement l'accès aux groupes de médecine de famille.

La méthode Barrette a ses détracteurs, mais il serait malhonnête de ne pas reconnaître qu'elle aura permis au gouvernement de s'engager dans la réalisation de ses promesses... et même plus, si on ajoute la négociation du prix des médicaments génériques.

Cependant, il est vrai que ce regard macro empêche de saisir l'impact réel de la réforme pour les patients et pour le personnel de la santé. Il empêche aussi de voir les effets néfastes qu'a eus l'hypercentralisation imposée par le ministre Barrette : épuisement, désorganisation, etc.

Le temps nous dira s'il y a eu plus de gains que de pertes au final, surtout que certains impacts bénéfiques se feront sentir plus tard, comme l'élargissement de l'accès à l'imagerie médicale.

Chose certaine, il reste encore beaucoup à faire pour redresser le réseau de la santé. Et ce que les années Barrette auront montré, c'est qu'un gouvernement peut bien mettre tous les efforts pour transformer le réseau, les solutions rapides n'existent pas.

La raison pour laquelle les promesses se ressemblent, c'est que les diagnostics sont connus et les réponses aussi. La bonne nouvelle, c'est que tous les partis y souscrivent, chacun à sa façon.

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