En écoutant François Legault parler de la nécessité d'alléger la bureaucratie et d'enseigner l'entrepreneuriat en cinquième secondaire, hier, on avait l'impression qu'il dirigeait une PME plutôt qu'un parti qui souhaite gérer un budget de 110 milliards de dollars.

Le chef de la CAQ a profité d'un forum sur la création d'entreprises pour présenter une partie de son escouade économique formée de 35 personnes (trop, c'est comme pas assez)... sans jamais évoquer le sujet économique de l'heure !

Pas un mot en effet sur le plein-emploi ni sur les énormes défis que cette situation pose aux gens d'affaires partout au Québec. Et pas un mot, surtout, sur l'immigration, ou sur toute autre solution à la pénurie de main-d'oeuvre.

Comme si l'économie se réduisait aux problèmes de paperasse des petites entreprises...

Or rappelons-le puisque c'est nécessaire : le Québec s'est retrouvé avec 106 000 emplois non pourvus au premier trimestre cette année. Le nombre a frôlé les 110 000 au deuxième trimestre. Et il risque d'être plus élevé encore au prochain trimestre.

En tout cas, c'est ce que craignent une bonne partie des employeurs et des entrepreneurs du Québec, qui font déjà de l'insomnie en essayant de résoudre le casse-tête de la main-d'oeuvre. C'est ce que craignent aussi les représentants des gens d'affaires, comme la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Et c'est ce que craignent plusieurs maires comme Régis Labeaume, qui a interpellé François Legault à ce sujet en début de semaine.

La réponse du chef de la CAQ à tout ce beau monde : vous vous énervez pour rien...

« Quand on me dit que le plus grand défi économique est la pénurie d'employés, je ne suis pas d'accord, a-t-il lancé récemment. La plus grande pénurie qu'on a au Québec, c'est des emplois payants, à 25 ou 30 $ par heure. »

C'est un beau slogan, qui plaira aux électeurs. Mais c'est passer à côté d'une situation criante, qui mine actuellement l'humeur des chefs d'entreprise, et qui menace à la fois leurs affaires et la poussée économique du Québec.

Il suffit de parler à des entrepreneurs ou à des membres de conseil d'administration pour réaliser à quel point la situation est grave. Plusieurs d'entre eux se demandent même, ces jours-ci, si le manque de main-d'oeuvre n'est pas carrément la goutte qui fait déborder le vase. Ou dit autrement, si ce n'est pas le problème de trop qui, additionné au protectionnisme américain et à la réforme fiscale de Trump, va les inciter à investir là-bas plutôt qu'ici.

Et comment réagit le chef de l'autoproclamé « parti de l'économie » ? En ignorant le sujet lors de sa grosse annonce sur l'économie. En évacuant le sujet de la page web de son parti consacrée à l'économie.

Et en réduisant les problèmes économiques du Québec à la faiblesse du revenu disponible des ménages lors de son lancement de campagne...

Québec inc. a beau demander aux partis de faire du manque de main-d'oeuvre une priorité. Il a beau demander qu'on augmente rapidement les seuils d'immigration pour combler les besoins. François Legault continue non seulement d'ignorer le sujet, mais aussi de traiter l'immigration comme un problème à régler, avec tests de valeur et menaces d'expulsion, plutôt qu'une partie bien réelle de la solution.

« On s'attaque au mauvais problème quand on dit : "notre priorité, c'est l'immigration", s'entête à répéter le chef de la CAQ. Notre priorité, c'est de créer des emplois payants. »

Soit. Mais n'est-ce pas en gardant au Québec les entreprises qui peinent à recruter qu'on créera justement des « grosses jobs » à 25 ou 30 $ l'heure ?

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