Déjà choquant, le projet de la Formule électrique est devenu accablant, hier.

Mais avouons-le, rien de bien étonnant. 

N'est-ce pas d'ailleurs ce que les Montréalais ont sanctionné, le 5 novembre dernier? Ce côté autoritaire du maire Denis Coderre, qui bousculait au besoin et croyait n'avoir de comptes à rendre à personne. 

Or voilà, précisément, ce qui a mené au fiasco financier de la course de FE de 2017, à sa précipitation, à son manque de transparence et surtout, au contournement des règles d'attribution de contrats, comme vient de le démontrer, preuves à l'appui, le Bureau de l'inspecteur général*.

Soyons honnêtes, l'idée d'attirer la Formule E à Montréal n'était pas vilaine en soi, loin de là. Denis Coderre avait commencé à s'intéresser à la FE quelques semaines après son élection en 2013 en raison du virage électrique qu'il voulait imposer à la ville, mais surtout, de l'incertitude entourant la Formule 1.

Le maire a donc décidé d'aller à Miami, à visière levée. Il a rencontré des représentants de Formula E Operations Limited (FEO). Puis à son retour, il a appuyé sur l'accélérateur pour que le projet voie le jour... en imposant SON promoteur, evenko. 

Un avocat a beau avoir recommandé à l'administration municipale de lancer un appel d'offres pour choisir le meilleur promoteur, elle a ignoré le conseil.

Pire, le maire est intervenu personnellement auprès des autorités de la FE pour qu'elles cessent de discuter avec d'autres promoteurs intéressés avec qui elles avaient déjà entamé des pourparlers !

Tout devait alors passer par son cabinet. Point à la ligne. 

Le problème, c'est que Montréal s'est alors retrouvé avec un seul promoteur... qui a finalement choisi de ne pas être promoteur! Lorsqu'evenko a réalisé que peu importe le scénario, la FE serait largement déficitaire, il a en effet décidé de retirer ses billes. En fait, il a pris un rôle secondaire en agissant à titre de simple fournisseur de services pour le promoteur. 

C'est là que l'idée de créer un organisme à but non lucratif (OBNL) a germé. C'est habituellement les OBNL qui pressentent les villes, mais il est vrai que les villes mettent parfois sur pied des OBNL. À condition bien sûr d'ériger un mur de Chine avec l'organisme pour qu'il ait les coudées franches pour administrer ses affaires et choisir ses fournisseurs de services. 

Tout le problème du montage du maire Coderre est là : il a mis sur pied un simulacre d'OBNL qui n'était rien de plus qu'une coquille vide qui lui permettait de tout contrôler à sa guise en raison du repli stratégique d'evenko. 

C'est alors que la Ville, grâce au contournement des règles, s'est finalement retrouvée à tout négocier, à gérer le volet financier de l'événement, et donc, à prendre TOUS les risques financiers d'une aventure qu'elle savait déficitaire! 

Imaginez! Quand les subventions des gouvernements ont tardé à entrer, ce n'est ni evenko ni l'OBNL qui a casqué. C'est la Ville, qui a dû se porter caution d'une marge de crédit de 10 millions.

Pourquoi? Parce que le véritable promoteur de la FE, c'était en fait le maire Coderre. L'OBNL créé n'était qu'«une extension de la Ville de Montréal», selon l'inspecteur général. C'était «un véhicule» permettant au cabinet du maire de faire ce qu'il voulait comme il le voulait en se soustrayant à ses obligations légales... mais pas financières.

Ce que Denis Coderre savait pertinemment puisque son cabinet a été prévenu «ad nauseam, à chaque occasion possible», selon l'avocat-conseil au dossier. Des mises en garde claires ont aussi été formulées à de nombreuses reprises par le contentieux de la Ville. 

Mais pour Denis Coderre, manifestement, la fin était si noble qu'elle justifiait tous les moyens, même les plus douteux. Une interprétation rejetée catégoriquement par l'inspecteur général... et par les électeurs montréalais.

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CE QU'A ÉCRIT L'INSPECTEUR GÉNÉRAL SUR...

Les avertissements : L'avocat (a) formulé au bureau du maire la mise en garde relative au fait que l'OBNL ne pouvait pas être utilisé comme courroie de transmission. Il mentionne l'avoir répété «ad nauseam, à chaque occasion possible», à un point tel que la conseillère lui répondait à chaque fois : «on en est conscient».

Les alternatives : Une entreprise privée aurait pu, à l'aide de la création d'un OBNL, bénéficier de subventions de la Ville et des gouvernements. Suivant ce modèle, le risque financier aurait été assumé totalement par l'entreprise et non par la Ville de Montréal.

La conclusion : Un observateur averti peut raisonnablement croire que Montréal c'est électrique a été utilisé comme véhicule permettant au cabinet du maire d'octroyer directement un contrat à evenko et de se soustraire à son obligation de procéder par voie d'appel d'offres public.

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