Le monde a changé depuis 1990, mais Martine Ouellet ne semble pas l'avoir réalisé.

On a lu et entendu cette semaine que la personnalité inflexible de la chef du Bloc québécois expliquait le dérapage qu'elle a fait subir à son parti. Elle n'écoute pas, elle est intransigeante, elle est incapable de compromis. C'est vrai.

Mais la crise existentielle qui secoue le Bloc révèle aussi à quel point sa chef est déphasée par rapport à son époque et, donc, le Québec d'aujourd'hui.

L'objectif de Martine Ouellet est en effet de replonger son parti dans une période révolue, celle du « déchirage de chemise » quotidien, de l'indignation perpétuelle et de l'affrontement permanent.

Cela cadrait avec le contexte politique d'il y a 25 ans. Né de la colère des échecs constitutionnels, le Bloc a longtemps été le porte-voix des intérêts du Québec et aussi, disons-le, de ses frustrations.

Mais depuis, l'insatisfaction des Québécois a laissé place à une certaine résignation. La colère constitutionnelle a été remplacée par l'inquiétude financière et les craintes identitaires. Et le débat entre fédéralistes et souverainistes s'est transformé en affrontement gauche-droite.

Le projet souverainiste n'est peut-être pas mort, mais il n'est pas fort. Les Québécois ont beau ne pas être devenus de fervents fédéralistes, ils n'ont plus l'état d'esprit qui profitait jadis au Bloc.

Cela explique la descente de la formation indépendantiste au fil des années, et ce, jusqu'au spectaculaire décrochage de 2011. Un constat qu'avaient bien sûr fait les députés bloquistes élus en 2015. Ils se faisaient ainsi les porte-étendards des intérêts du Québec, de Bombardier, de la Davie, des fermes laitières, des producteurs en serre.

La promotion de l'indépendance et des multiples frustrations sur lesquelles elle s'appuie était, au mieux, secondaire.

En prenant le contrôle du parti, Martine Ouellet a choisi de faire l'inverse, de ramener l'indépendance au premier plan, et avec elle, le discours voulant que la province soit une éternelle victime de la fédération.

Cela ne cadre pas avec le Québec d'aujourd'hui. Un Québec qui a de meilleurs résultats que l'Ontario à plusieurs niveaux. Un Québec qui s'apprête à tenir ses premières élections depuis longtemps sans que la souveraineté soit un enjeu. Un Québec qui favorise deux partis fédéralistes sur la scène provinciale et qui vient enfin d'appuyer un parti capable de former le gouvernement sur la scène fédérale.

Dans un tel contexte, le Bloc québécois a évidemment plus de difficulté à trouver sa pertinence. Mais il demeurait néanmoins, jusqu'ici, une sorte de police d'assurance. La preuve en est que plusieurs commentateurs prédisaient une possible embellie aux prochaines élections.

En étant complètement déconnectée de la réalité politique et québécoise, Martine Ouellet a choisi de mettre un X là-dessus, de compléter l'oeuvre inachevée de Mario Beaulieu et de cantonner son parti dans la marge de la marge.

Son entêtement à vouloir recréer les chicanes d'une autre époque pourrait bien sceller le sort de son parti. Et le sien par le fait même.

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