Philippe Couillard a-t-il manqué de transparence?

C'est la question qui se pose à la lecture du courriel envoyé en avril 2012 à Marc-Yvan Côté, un homme avec qui il avait juré n'avoir eu aucun rapport à l'époque, sinon lors d'un «souper-bénéfice d'une rivière de pêche».

«J'ai essayé de t'appeler par ton cell afin de discuter des medias etc..., lui a-t-il pourtant écrit le jour de la diffusion d'un reportage accablant d'Enquête. Enfin, si tu as le gout d'en parler avec un ami et de "brainstormer" ne te gene pas [sic].»

Soupçonné de financement politique illégal, M. Côté l'a remercié pour «le renouvellement» de son amitié et lui a répondu qu'il lui téléphonerait «la semaine prochaine».

«Parfait, any time. Et si tu veux monter au lac relaxer, la porte est ouverte!», conclut M. Couillard dans cet échange révélé hier par les médias de Québecor.

En soi, disons-le, il n'y a rien de répréhensible à ce qu'un citoyen privé - comme l'était à l'époque Philippe Couillard -, tende la main à un ami. Et il n'y a rien de nouveau à ce que Marc-Yvan Côté soit «un ami» de l'actuel premier ministre.

Il n'y a donc là rien d'immoral, encore moins d'illégal, même si l'ancien organisateur est banni à vie du Parti libéral du Canada. Même si le reportage de Radio-Canada à l'époque alléguait que ce dernier était impliqué dans l'échange de contrats contre des enveloppes brunes.

Le problème, il est plutôt dans le fait que M. Couillard n'ait pas cru nécessaire de dévoiler l'existence d'un pareil échange, en mars dernier, lorsqu'un journaliste lui a demandé s'il avait eu «des rapports» avec M. Côté entre 2008 et le lancement de sa campagne à la direction du parti en septembre 2012.

«Je me souviens peut-être l'avoir croisé une fois», a-t-il répondu, «mais c'est tout. Sinon, non.»

Le premier ministre a-t-il «finassé avec la vérité», comme a dit Jean-François Lisée, en limitant à sa plus simple définition le mot «rapport», qu'il limite à des rencontres en personne?

Peut-être, mais le véritable problème, c'est que dans le contexte explosif actuel, le premier ministre n'ait pas cru bon, par lui-même, de tout dire, tout dévoiler, tout mettre sur la table, sans que les médias lui tirent les vers du nez.

On ne parle tout de même pas, ici, d'un banal courriel comme on en envoie tous au quotidien. M. Couillard tend la main à un paria politique. Il l'invite carrément chez lui pour «relaxer». Et il le convie à un «brainstorm».

Rien d'illégal, répétons-le. Mais on est au-delà du message insignifiant, au-delà de l'«aide psychologique» offerte à son prochain comme l'aurait fait «tout être humain qui se respecte».

M. Couillard invite tout de même un homme dans la tourmente à «brainstormer» au sujet des «médias, etc.»... cinq mois à peine avant de lui interdire de s'approcher de sa course à la direction du Parti libéral!

Combien de lumières rouges faut-il au premier ministre pour comprendre l'urgence de la vérité?

Comment peut-il ne pas voir que le danger réside dans les zones d'ombres de la relation qu'il entretenait avec Marc-Yvan Côté bien plus que dans la relation elle-même?

Ou bien le premier ministre prend ces questions à la légère, une impression qui se dégage de plus en plus de ses réactions, ou bien il a carrément esquivé la question.

Il ne faut certes pas «conjuguer le passé au présent», comme on dit au cabinet du premier ministre, mais il ne faut pas non plus balayer ce qui est arrivé sous le tapis au prétexte que cela appartient au passé.

Plus il y aura de transparence, plus il y aura de chances qu'on mette un jour fin au cycle politique délétère dans lequel on ne cesse de nous ramener.

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