C'est la voie de facilité en gestion de crise : prétexter «un problème de communication».

Dès qu'une entreprise ou un gouvernement est pris en défaut, il sait qu'il doit reconnaître minimalement ses torts. Il fait donc amende honorable, la main sur le coeur, en avouant bien humblement qu'il aurait dû mieux expliquer, mieux communiquer.

C'est ce qu'a fait Bombardier, ces derniers jours, en concédant par la voix de son numéro 1, Alain Bellemare, que l'entreprise «aurait pu faire une meilleure job de communication» dans le dossier de la rémunération de ses dirigeants.

Façon de dire que le problème, ce n'est pas l'entreprise : c'est que les Québécois n'ont pas compris...

Il y a une part de vrai là-dedans, bien sûr. Certaines informations ont été dévoilées sans autres précisions, de telle sorte qu'on a pu croire que l'ensemble des cadres profitait d'une importante et immédiate hausse de leur rémunération (c'est plutôt au terme du plan de redressement, en partie). Et on a pu penser qu'il s'agissait de juteux bonis qui faisaient bondir leur salaire de près de 50% (c'est moins que ça).

Cette interprétation inexacte émane bel et bien d'une mauvaise «job de communication», M. Bellemare a raison. Mais ce que révèle la tempête des derniers jours, c'est bien plus que cela : c'est la déconnexion de Bombardier avec la population qui l'a aidée.

Le premier reproche qu'on peut faire à l'entreprise, c'est son insensibilité pour les contribuables. Ces derniers ont accepté que le gouvernement vole à son secours, même s'il y a des risques à aider une entreprise en quasi-faillite. Ils ont aussi pris parti pour Bombardier dans son combat contre Ottawa et le Canada anglais. Et ils se sont réjouis que le cours de l'entreprise augmente.

Or en précisant tout de suite comment les dirigeants en profiteront, on semblait féliciter les cadres... pour l'effort des contribuables. Un sentiment d'autant plus désagréable qu'on récompensait par la bande Pierre Beaudoin. Alain Bellemare, passe encore, mais celui-là même qui a plongé l'entreprise dans le marasme?

La déconnexion de Bombardier, elle se manifeste aussi dans sa mauvaise lecture de l'opinion publique.

L'avionneur semble croire que c'est business as usual au lendemain du généreux appui des gouvernements, alors que les contribuables se sentent plus que jamais concernés, émotivement et financièrement, par l'avenir de l'entreprise.

Pour ces derniers, la rémunération des dirigeants n'est donc plus qu'un simple exercice froid, comptable, qu'on peut justifier en alignant les colonnes de chiffres, comme on le ferait pour le patron d'une grande banque. Ils s'attendent à une certaine adéquation entre le contexte et les montants.

Bombardier, enfin, semble déconnectée de l'humeur de la population. Qualifier 2016 d'«année exceptionnelle», comme l'a fait Jean Monty, président du comité de la rémunération de Bombardier, manquait cruellement de sensibilité.

Pour les Québécois, c'était plutôt l'année des coupes d'une dizaine de milliers de postes. C'était l'année du plan de sauvetage public et des pertes de 1 milliard en attendant les années profitables. C'était l'année, bref, d'une «aide publique exceptionnelle», dans un contexte économique que certains trouvent difficile.

Or une entreprise ne peut accepter l'appui gouvernemental et agir comme si elle n'avait de compte à rendre qu'à ses principaux actionnaires. Elle ne peut demander aux contribuables de prendre un risque sans se soucier de ce qu'ils penseront de ses décisions. Elle ne peut prendre l'argent public, mais pas les responsabilités qui l'accompagnent.

Ce n'est donc pas un enjeu de communication qui a provoqué la tempête, mais un évident problème de gouvernance, de jugement, de sensibilité.

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