Avez-vous remarqué ? Les chantiers se multiplient à un tel rythme que la carte de Montréal ressemble à une caricature de Chapleau. Partout, des cônes orange !

Pas surprenant que chaque matin, les automobilistes aient l'impression de parcourir un labyrinthe qui change de configuration quotidiennement, avec l'impact que l'on sait sur le stress, les temps de déplacement et la congestion.

Et pourtant, le maire Coderre a annoncé mercredi dernier que le nombre de chantiers était appelé à doubler au cours des prochaines années. Les automobilistes en ont pour cinq ans, peut-être dix !

Dix ans de congestion monstre, malgré les conséquences sur la productivité des employés, le dynamisme des rues commerçantes, la rétention des jeunes familles et l'attrait de la ville auprès des entreprises et des banlieusards.

Des impacts, curieusement, qu'a minimisés Denis Coderre lorsque l'animateur Alain Gravel lui a demandé si cela risquait de limiter les déplacements des banlieusards vers la ville. « Les derniers chiffres démontrent qu'il n'y a pas d'étalement urbain, a répondu le maire. Il y a plutôt une augmentation de la population et une réorganisation du travail. »

Peut-être, mais il faut des lunettes rose foncé pour croire à la disparition de l'effet trou de beigne !

Il s'est modifié ces dernières années, c'est vrai, mais il est toujours aussi réel. Le problème pour Montréal, aujourd'hui, est moins l'étalement urbain comme tel que l'autonomisation des couronnes qui l'entourent.

Pas sorcier, les banlieusards traversent de moins en moins les ponts pour se divertir, magasiner et même travailler. C'est là, après tout, que s'ouvrent le plus de commerces dans la région, que s'installent les entreprises, que les emplois se créent.

Un indice éloquent de ce phénomène : la congestion s'aggrave partout dans la région... sauf sur les ponts qui ceinturent l'île de Montréal !

On ne le remarque pas nécessairement en raison des nombreux obstacles qui ralentissent la circulation et la densifient, mais il y a bel et bien moins d'autos en chiffres absolus sur les ponts aujourd'hui qu'hier, et ce n'est malheureusement pas lié à une hausse conséquente de l'affluence dans les transports collectifs.

Les plus récents chiffres révèlent qu'entre 2012 et 2014, le nombre de véhicules sur les ponts a baissé de 2 à 8 %, selon une analyse de l'ingénieur en circulation Ottavio Galella. On parle de 20 000 voitures de moins chaque jour !

Une baisse importante en deux ans à peine que les chantiers risquent d'accélérer. Une baisse qui montre que Montréal, n'en déplaise au maire, fait face à un véritable péril orange...

Reconnaissons-le : il est courageux de la part de Denis Coderre d'augmenter les fonds pour les chantiers routiers à la veille d'une campagne électorale, surtout quand on sait que les problèmes actuels sont liés, justement, à des années de sous-investissements.

Mais la menace bien réelle qui pèse sur Montréal nous oblige néanmoins à nous poser de lourdes questions. Tous ces chantiers sont-ils urgents ? Leur coordination est-elle optimale ? Les détours sont-ils bien pensés, bien planifiés ? Les policiers et les panneaux de signalisation répondent-ils vraiment aux besoins ? Les options de rechange à l'auto sont-elles suffisamment nombreuses ?

La Ville répond oui à toutes ces questions, sans hésitation. Mais force est de constater que les automobilistes, eux, disent non...

Ils voient ces nombreux chantiers inactifs, ces détours mal indiqués et ces panneaux de signalisation contradictoires et se demandent bien ce que peut vouloir dire l'expression « coordination pointue des entraves ».

Ils voient le métro archibondé aux heures de pointe, le manque de fiabilité et de fréquence des trains de banlieue, les bus qui recommencent à rouler après une coupe récente dans les heures de service et s'interrogent sur cette « bonification des mesures d'atténuation ».

Ils entendent parler de Mobilité Montréal sans comprendre qui s'en occupe, ils voient que les « partenaires » sont vraiment nombreux autour de la table, ils peinent à comprendre qui a l'obligation de rendre des comptes dans le lot et se questionnent sur cette soi-disant « synergie des différents acteurs ».

La Ville nous répète constamment que les chantiers sont tous nécessaires, qu'ils sont bien menés et, surtout, bien planifiés. Sur papier, ça semble vrai. Mais pas sur la route.

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