On pensait que le bleu royal appliqué à la grandeur du pays par les conservateurs était indélébile, mais il n'aura fallu à Justin Trudeau que deux ou trois coups de pinceau pour faire passer le Canada au rouge.

Si le premier ministre a réussi une chose au cours des 12 derniers mois, c'est en effet de réaménager le pays aux couleurs libérales avec une facilité déconcertante, effaçant l'héritage des conservateurs comme si leur décennie au pouvoir n'avait été qu'une parenthèse.

Rappelons-nous pourtant ces prédictions, pas si lointaines. La « mort du Canada libéral » (Peter C. Newman, 2011). Le « grand changement », cette mutation profonde du pays en une nation « dominée pour des décennies à venir » par le Parti conservateur et ses valeurs (John Ibbitson et Darrell Bricker, 2013). Et la « fin » du Parti libéral du Canada, éventualité évoquée dans le contexte du « réalignement » vers la droite du pays (Mathieu Bock-Côté, 2015).

Autant de prophéties qui ont été démenties ces derniers mois, un geste à la fois, du plus petit (le remplacement du portrait de la reine par les toiles d'Alfred Pellan aux Affaires étrangères) au plus imposant (le virage imposé aux finances publiques).

Pensons à la défense des droits de la communauté LGBT, à la place faite aux femmes dans son cabinet paritaire, à l'accueil accéléré des réfugiés syriens et aux relations plus ouvertes avec les médias.

Pensons aux allocations familiales, à la hausse des impôts pour les plus riches, à l'imposition d'un prix sur le carbone et à l'implication enthousiaste dans les négociations ayant mené à l'Accord de Paris.

Chaque jour un peu plus, le PLC met le pays à sa main, en revoyant le rôle du Canada à l'international, en donnant la priorité à la réconciliation avec les autochtones, en rétablissant la liberté des scientifiques et le formulaire long du recensement.

Autant de choses promises dans la plateforme libérale, réalisées en tout ou en partie... pour le meilleur ou pour le moins bon.

Les investissements se font au prix de lourds déficits. Le pacifisme se heurte aux ventes d'équipements militaires à des pays au bilan douteux. Le parti pris pour l'innovation ne permet toujours pas à Bombardier de prendre son envol. Et la main tendue aux provinces se permet de jouer dans les compétences pourtant exclusives des provinces.

Mais une chose demeure, chacune de ses décisions en efface une du précédent gouvernement. Exit le dogme de l'équilibre budgétaire, la guerre aux contre-pouvoirs, le péage sur le pont Champlain, le repli intérieur, le parti pris en faveur d'Israël, la rhétorique guerrière, les politiques polarisantes, la lutte idéologique contre la criminalité et l'indifférence marquée pour l'environnement.

On prétendait que Stephen Harper avait profondément changé le pays et ses valeurs fondamentales, et pourtant, mis à part les cibles climatiques, bien peu de ses mesures ont survécu aux « voies ensoleillées » de son successeur. Preuve que les institutions sont plus solides que les gouvernements successifs.

On peut se moquer des « selfies » du premier ministre ou de l'attention portée à son look par les médias étrangers, reste qu'en un an, Justin Trudeau a réussi à s'imposer par ses décisions, pas juste son image.

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