Ce qui a permis l'inauguration du métro il y a 50 ans, c'est précisément ce qui manque aux transports en commun aujourd'hui : de la vision.

La critique peut sembler facile, mais il faut se rappeler la genèse du métro de Montréal pour réaliser à quel point elle est appropriée dans le contexte actuel.

Il y avait, à l'époque de Jean Drapeau, une volonté de se projeter, de prévoir, de préparer l'avenir des décennies à l'avance. Alors qu'aujourd'hui, on « patche », on reporte, on gère, hélas, à la petite semaine.

Le ministère des Transports du Québec, principal bailleur de fonds dans la région, l'avoue bien candidement d'ailleurs : « Il n'y a pas de politique des transports en commun présentement sur la table », a reconnu la porte-parole du cabinet de Laurent Lessard à La Presse, le mois dernier.

Le Ministère, a-t-elle ajouté, gère plutôt les dossiers réclamant son attention « au cas par cas »...

Au cas. Par cas.

Retournons en arrière, au 14 octobre 1966. Croyez-vous sincèrement que l'administration Drapeau-Saulnier aurait inauguré les 20 premières stations du métro si elle avait géré le transport public « au cas par cas » ?

Croyez-vous qu'elle aurait réalisé un réseau d'aujourd'hui 80 km si elle n'avait pas visé 160 km à l'époque ?

Croyez-vous que Montréal serait doté du troisième métro du continent pour la fréquentation (après New York et Mexico !) si la Ville n'avait pas prévu de poussée démographique des décennies à l'avance ?

On peut sourire en prenant connaissance, avec nos yeux de 2016, du « Plan témoin Horizon 2000 » de Jean Drapeau (voir la vidéo psychédélique ci-contre). On prédisait alors que le Grand Montréal compterait 7 millions d'habitants (il y en a la moitié). On prévoyait que le « noyau » de la région (l'île) serait connecté aux « cellules urbaines » (les villes de banlieue proches) et aux « villes satellites » (Joliette, Saint-Hyacinthe, etc.) grâce à un « express régional » et des trains de banlieue roulant « à toute heure du jour ».

Et surtout, on pensait que plusieurs questions allaient être « résolues d'ici l'an 2000 » : la pollution de l'air, la pollution de l'eau et le « problème des finances municipales »...

Mais l'important, ce n'est pas que des promesses n'aient pas été tenues, ce n'est pas le manque de précision des prévisions de l'époque. L'important, c'est que les autorités s'étaient fixé une destination, loin devant, plutôt que de se contenter d'une interminable liste de projets gérée au « cas par cas », selon les intérêts du ministre en place.

Car jamais une ville ne s'est développée intelligemment au gré des brassages de structures, aussi nécessaire soit celui qui est en cours.

Jamais une métropole n'a pris son envol en répondant aux demandes des acteurs qui crient le plus fort. Jamais une région n'a acquis de cohérence en repoussant des projets d'année en année, de rapport en rapport, de bureau de projet en bureau de projet.

Bien sûr, il y a le train de la Caisse qui entrera probablement en gare dans quelques années. Tant mieux ! Mais ce train n'est pas un projet du gouvernement, et c'est encore moins une vision du développement de la mobilité régionale.

Le gouvernement Couillard a certes le mérite d'avoir augmenté les investissements consacrés au transport collectif. Le Fonds vert regorge d'argent, en plus. Et le fédéral est prêt à ouvrir ses goussets. Mais pour faire quoi, au juste ? À part quelques stations sur la ligne bleue, c'est loin d'être clair en l'absence d'une courte liste de priorités et d'échéanciers.

Le métro, dont c'est l'anniversaire aujourd'hui, est non seulement le plus grand legs du plus grand maire de Montréal, c'est le projet qui a empêché la ville de n'être qu'une autre ville étalée nord-américaine. Le métro, c'est la colonne vertébrale de la mobilité, le lien entre les quartiers centraux, la raison pour laquelle le centre-ville est habité et dynamique.

Bref, le métro est le projet qui a jeté les fondations de ce qu'est aujourd'hui la métropole parce qu'on l'a rêvée ainsi. Il y a 50 ans.

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