Des voitures sans volant se promènent à San Francisco grâce à Google. Des véhicules sans conducteur roulent à Pittsburgh grâce à Uber. Des bus sans chauffeur sillonnent les rues de Sion grâce à La Poste Suisse.

On le voit bien, demain, c'est aujourd'hui... sauf pour les chauffeurs de taxi du Québec, qui ont demandé à la Cour supérieure de revenir à hier. Sans succès, évidemment.

De manière tout à fait prévisible, le juge a en effet rejeté la demande d'injonction provisoire contre l'entente qui lie Uber et le gouvernement, faisant ainsi tomber un (autre) cheval de bataille du front commun du taxi.

De manière tout aussi prévisible, quelques secondes plus tard, Guy Chevrette a rétorqué qu'il continuerait de s'acharner contre la multinationale au nom des chauffeurs. Il retournera devant les tribunaux dès demain pour tenter à nouveau d'empêcher Québec d'évoluer avec un monde qui évolue...

Pourtant, ce n'est pas contre Uber que les chauffeurs devraient se battre, mais plutôt pour leur survie.

Et l'entente peut les aider.

Il est vrai que cette entente légalise temporairement un nouveau concurrent, UberX. Mais elle temporise aussi les déboires des chauffeurs, on ne le dit pas assez. Elle facilite la transition. Le gouvernement a certes consenti des accommodements à Uber, mais il a aussi accordé des largesses aux taxis.

D'abord, l'entente n'est rien d'autre qu'un projet-pilote de 12 mois. Projet-pilote qui permettra au gouvernement d'évaluer les impacts du covoiturage urbain, de vérifier l'effet d'une offre accrue sur la demande, et surtout, de mesurer l'incidence d'Uber sur l'industrie du taxi.

Or voilà qui pourrait permettre aux chauffeurs de prouver éventuellement l'existence d'un préjudice indu... si préjudice indu il y a.

Ensuite, l'entente prévoit de généreuses sommes pour l'industrie. Sommes qui proviendront de deux sources, les coffres du gouvernement et la redevance imposée à Uber. Selon certaines estimations, les sommes pourraient frôler les 10 millions par année.

Or, selon le ministre Laurent Lessard, ce sont les chauffeurs de taxi qui auront à conseiller le gouvernement sur la meilleure façon de dépenser cet argent. Et si ces derniers estiment important de dédommager les propriétaires de permis, eh bien, ainsi soit-il : le gouvernement dédommagera les détenteurs.

Quand on sait que rien ne force Québec à venir en aide aux chauffeurs pour compenser la baisse de la valeur de leur permis, sinon des considérations morales, on comprend qu'il s'agit là d'une chance à saisir pour les taxis. Peut-être la dernière.

Il est tout à fait compréhensible que les chauffeurs aient l'impression d'être bousculés, qu'ils se sentent impuissants devant les changements technologiques qui s'opèrent. Mais ils sont loin d'être seuls dans cette situation : les libraires sont menacés par Amazon, les hôtels par Airbnb, les journaux par Google et Facebook...

Les chauffeurs de taxi se battent donc pour un passé qui ne reviendra pas, ils se battent pour revenir à un monde sans Uber... mais ils risquent ainsi de précipiter un monde sans taxi.

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