Ce n'est pas sorcier, le monde énergétique a complètement changé, et avec lui, le paradigme sur lequel s'est bâti le Québec moderne.

Il y a 15 ans encore, la demande pour l'électricité de la province semblait illimitée. Puis, tout a basculé en 2008 avec l'avènement du gaz de schiste aux États-Unis, un boum qui a provoqué une chute des prix de l'électricité au moment où l'économie s'essoufflait et que la demande stagnait.

Du coup, l'électricité du Québec n'était plus la moins chère du continent... et l'avantage compétitif qui servait de fondation à l'économie disparaissait.

Voilà pourquoi le rapport de la Commission sur les enjeux énergétiques Mousseau-Lanoue propose rien de moins qu'une révolution.

Les commissaires recommandent de stopper le chantier de la Romaine, de mettre fin à l'éolien, de suspendre le marché du carbone, de réécrire la politique industrielle, de cesser d'appâter les entreprises avec de bas tarifs d'électricité, etc.

Tout cela, en partant de l'hypothèse que le bouleversement qu'on a connu est permanent.

Or, rien n'est moins sûr. Le principal problème de cet ambitieux rapport, il est là. Il tient pour acquis que l'hydroélectricité a perdu sa valeur ajoutée pour de bon.

Et pourtant, une foule d'impondérables peuvent mettre à mal cette fragile hypothèse. Une forte reprise pourrait faire monter la demande dans le Nord-Est. Le marché du carbone pourrait s'étendre. Le Canada et les États-Unis pourraient fixer un prix du carbone. La production de gaz de schiste pourrait ralentir. Autant de choses qui redonneraient à l'hydroélectricité sa plus-value.

Rien de cela n'est certain, mais rien n'est impossible non plus. Ce qui fragilise le rapport.

Cela est malheureux, car derrière les propositions les plus spectaculaires, que Pauline Marois et Philippe Couillard ont déjà balayées d'un revers de main, se cache une feuille de route fort pertinente pour atteindre un objectif qui l'est tout autant: mieux utiliser l'énergie que nous produisons et que nous produirons.

Pensons à ces nombreuses recommandations qui s'attaquent à la Sainte Trinité énergétique que sont les transports, l'aménagement et le bâtiment, dont parlait le professeur Pierre-Olivier Pineau dans notre section, hier. Un vaste chantier qu'il est urgent d'attaquer.

Pensons à ces actions possibles à court terme afin de réorienter la consommation vers des sources moins polluantes, comme des programmes de modernisation des procédés industriels et de remplacement du mazout par une énergie renouvelable.

Et pensons à l'efficacité énergétique, parent pauvre des stratégies du Québec... même si celui-ci se classe parmi les territoires les plus énergivores de la planète! Un enjeu dont on feint de s'occuper depuis 20 ans.

Plutôt que d'espérer un freinage brusque de tout ce que l'on a entrepris avec l'espoir d'une révolution tous azimuts, la Commission aurait eu intérêt à se concentrer sur un virage réaliste vers une réduction de la consommation et un remplacement des hydrocarbures par les énergies renouvelables.

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