Il y a trois ans, dans cette page, nous écrivions que le propriétaire de la Maison Redpath n'attendait qu'un alignement des planètes pour la jeter au sol. L'élection de Denis Coderre l'aura rapproché encore un peu plus d'une telle séquence.

Démontrant un manque total de sensibilité pour le patrimoine, le maire n'a eu besoin, après son élection, que de quelques jours pour mettre fin à une bataille épique qui durait depuis près de 30 ans.

Sans grande réflexion, abordant l'enjeu de manière unidimensionnelle pour ne pas dire superficielle, le maire a en effet retiré l'un des derniers obstacles qui empêchaient les propriétaires de faire ce dont ils rêvent: la raser.

Comprenons-nous bien, la faute de M. Coderre n'est pas d'avoir permis la démolition d'un bâtiment en piteux état, mais bien de l'avoir fait avec autant d'insouciance, accordant aux propriétaires une récompense à la négligence.

Le maire crée ainsi un dangereux précédent, il envoie le message à ceux qui seraient tentés d'imiter Michael Sochaczevski qu'il suffit d'être patient pour que disparaissent ces détestables immeubles patrimoniaux qui entravent la marche de Montréal vers le progrès.

Jusqu'ici, la saga de la Maison Redpath, sauvée in extremis par Héritage Montréal en 1986, avait eu cela de bon: elle démontrait que le chemin menant à la suppression du patrimoine était long et ardu, parsemé d'embûches et de surprises. Pas moins de trois injonctions et ordonnances ont tenu le pic des démolisseurs à distance.

Au fil des décennies, il y a eu des lettres ouvertes, des demandes de protection, des démolitions interrompues, des pressions politiques et populaires, des études et des avis patrimoniaux, des interventions de l'arrondissement, de la Ville et du gouvernement pour éviter la démolition d'une des dernières maisons Queen Ann dans le Golden Square Mile.

Autant de choses qui ont probablement fait réfléchir certains promoteurs tentés d'acheter de vieilles pierres avec l'intention de transformer la négligence en investissement à long terme...

Heureusement, le maire Coderre n'était pas le dernier rempart avant la démolition. Le ministre de la Culture, Maka Koto, a ainsi pu s'ériger devant la pelle mécanique, déjà sur les lieux. Il a ainsi accordé, mardi dernier, un sursis de 30 jours à la Maison Redpath, le temps de prendre une décision (plus) réfléchie.

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Le maire Coderre a possiblement raison quand il dit qu'«au bout de la ligne, on va quand même se rendre à l'inévitable». Le classement étant difficile en absence d'investisseurs sérieux, on n'aura peut-être d'autres choix que de démolir cette maison de 1886 avec promesse d'intégrer au futur projet certains de ses éléments forts, comme la façade, les pignons ou la cheminée.

Mais au moins, on aura tout fait pour sauver ce qui peut être sauvé, on aura accordé à l'ancienne demeure de la famille Redpath la déférence qu'elle mérite, on aura donné du fil à retordre aux propriétaires jusqu'à la fin.

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