La situation n'est pas alarmante, mais le sort de certaines artères commerciales de Montréal inquiète tout de même. On retrouve plus de locaux vacants, un temps de location qui s'allonge et des prix qui baissent sur Saint-Laurent, Saint-Denis et Saint-Hubert.

Pour expliquer le phénomène, analysé mercredi dans La Presse Affaires, les observateurs citent l'endettement des ménages, la situation économique et l'essor du commerce électronique. Des facteurs qui contribuent certainement au problème.

Mais il y en a un autre qui les supplante tous par son impact croissant: l'autonomisation de la banlieue.

Les indices sont implacables : en dehors de leur navette quotidienne, les banlieusards se trouvent de moins en moins de raisons de traverser les ponts... tandis que les insulaires en découvrent de plus en plus pour oser faire le chemin inverse le weekend.

Avouons-le : jamais la diversification commerciale et ludique de la banlieue n'a été aussi poussée, et jamais les irritants n'ont semblé aussi nombreux sur l'île, à tort ou à raison...

Plus besoin d'aller au centre-ville pour voir un film, assister à un spectacle ou manger dans un restaurant à la carte unique. Plus besoin de traverser les ponts pour trouver les grandes bannières comme Apple et Birks. Plus besoin de se déplacer sur l'île pour découvrir les nouvelles enseignes comme Williams-Sonoma et Crate and Barrel.

À part l'OSM, les théâtres et les festivals, il n'y a en effet plus grand-chose que n'offrent pas le Carrefour Laval, les Promenades Saint-Bruno et le DIX30. Avec en prime, des mers de stationnement qui, justement, incitent les insulaires à se laisser séduire à leur tour par le «one stop shopping» des rives sud et nord.

«Pour gagner du temps, certains Montréalais sont en effet tentés par la variété de l'offre, la fluidité et le stationnement des secteurs comme le DIX30», confirme JoAnne Labrecque, professeure aux HEC. «Le Carrefour Laval attire une clientèle des quartiers plus au nord, comme Ahuntsic et Saint-Laurent», renchérit Jean-François Grenier, du Groupe Altus.

Les artères commerciales de Montréal perdent ainsi tranquillement leur valeur ajoutée. Ou du moins, certaines artères perdent-elles leur valeur ajoutée, car chose importante : d'autres émergent en parallèle.

Pensons à la rue Masson et à la rue Fleury. Pensons à l'avenue du Mont-Royal, qui va mieux que le veut l'idée reçue. Pensons aussi à ces rues émergentes, comme Wellington, Monkland ou Saint-Laurent en haut.

Des rues qui ont compris que leur salut ne passe pas par une bête imitation de la banlieue, comme visait à le faire le projet initial de Griffintown. Des rues qui se distinguent parce qu'elles bichonnent leur originalité, misent sur leur couleur locale, privilégient les bannières indépendantes, mettent de l'avant festivités et braderies.

Des rues, bref, qui réussissent malgré le contexte économique, ce qui tend à prouver que ce dernier n'explique pas à lui seul le sort des artères moins fortunées.

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