Les problèmes des derniers jours incitent le fédéral à accélérer les travaux qui mèneront au remplacement du pont Champlain. Or ceux-ci devraient plutôt l'inciter à prendre tout le temps nécessaire...

La tentation est grande de mettre le projet sur la «fast track» afin de réduire les risques occasionnés par l'actuel pont, dont l'état est jugé alarmant. Mais du coup, on augmente un autre risque, plus grave à long terme, celui de construire un pont «vite fait, mal fait» ... comme ce fut le cas il y a cinquante ans.

Quoi qu'en disent les gérants d'estrade, l'échéancier actuel est tout à fait adéquat pour une infrastructure d'une telle complexité: préparation de la documentation en 2014, appel de qualification en 2015, signature d'une entente en 2016, puis construction jusqu'en 2021.

Mais ce calendrier est aujourd'hui remis en question par les élus et les observateurs qui souhaitent une accélération des travaux. Le gestionnaire du pont a même évoqué l'hypothèse d'une réduction du calendrier de deux ans.

Fort bien... si le fédéral s'engage à accroître les montants prévus pour cette infrastructure. Devancer un tel chantier nécessiterait en effet l'embauche des plus grandes firmes, des honoraires plus élevés, des équipes de travailleurs plus larges, des quarts de travail plus imposants, etc.

Si Ottawa est prêt à dépenser ce qu'il faut, tant mieux. Accélérons. Mais s'il entend s'en tenir aux mêmes budgets, mieux vaut suivre l'échéancier prévu.

C'est ce que nous enseignent les problèmes des derniers jours, lesquels découlent d'un chantier bâclé à la fin des années 1950. Le rapport de la firme Delcan montre en effet comment, à l'époque, on a opté pour le projet le plus simple et le plus économique afin d'ériger le pont Champlain en seulement trois ans. Cela a engendré des problèmes de conception qui ont été aggravés par l'épandage de sel de déglaçage.

Souhaite-t-on vraiment répéter les erreurs du passé? La question se pose, d'autant qu'une accélération des travaux paverait la voie à la construction d'un pont laid dans l'axe le plus stratégique de Montréal. Et ce, après que la «démarche commune» entreprise ces derniers mois par la Ville et Transports Canada ait démontré qu'il est possible, même dans le cadre d'un PPP, de produire un ouvrage d'art qui élève en priorité la qualité d'ingénierie et d'architecture.

Un tel choix prendrait un peu plus de temps (de 1 à 4 mois de plus), coûterait un peu plus cher (de 1 à 5% de plus) et augmenterait un peu les risques de fermeture du pont actuel. Mais vaut mieux répondre aux urgences pendant quelques mois supplémentaires que de vivre avec une infrastructure inadaptée pendant des décennies.

Les gouvernements se sont traîné les pieds avant de lancer le projet en 2011 mais, depuis, les étapes suivent leur cours. Ne les accélérons pas uniquement pour répondre à une urgence ponctuelle. S'il y a une leçon à tirer de ce pont délabré, c'est que l'impatience est bien mauvaise conseillère.

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