Les décisions douteuses se multiplient à Montréal. Après avoir transféré un contrat à Tony Accurso et banni un petit entrepreneur incorruptible, voilà que la Ville accorde un contrat à deux firmes inscrites sur sa propre liste noire...

Le maire Laurent Blanchard reconnaît que ces choix n'ont «rien d'agréable», mais il ajoute que l'administration est simplement «victime du carcan d'intégrité» qu'elle a dû s'imposer.

Or si la Ville est bel et bien victime, c'est plutôt de précipitation...

D'emblée, mettons de côté le contrat accordé cette semaine à SNC-Lavalin et BPR. C'est le seul qui se justifie assez aisément. L'appel d'offres a été lancé le 12 décembre alors que la Ville a resserré l'octroi des contrats huit jours plus tard.

En théorie, elle aurait pu tout arrêter au risque qu'une entreprise fautive remporte l'appel d'offres, mais cela aurait ouvert la porte à des contestations juridiques, en plus de reporter le tout de plusieurs mois.

D'une façon ou d'une autre, cela aurait signifié d'importants retards pour un contrat qui concerne la réhabilitation des infrastructures d'eau, l'un des chantiers les plus pressants de la métropole. Pas besoin de retrouver d'autres excavatrices sous la chaussée pour s'en convaincre...

Par contre, les décisions concernant Tony Accurso et Pierre Allard ne sont pas seulement douteuses, elles sont déplorables. Elles mettent en lumière un seul et même problème: la Politique de gestion contractuelle de la Ville, qui met au ban tout individu qui «admet» avoir participé à «un acte de collusion ou autres actes de même nature».

Sur la base d'une admission, donc, on interdit à leurs entreprises de soumissionner pendant cinq ans, une décision prise à la va-vite en décembre qui ouvre la porte à de nombreux effets pervers, comme nous l'avons écrit dans le passé.

En empêchant toute firme ayant admis quoi que ce soit à la Commission Charbonneau, la Ville donne une prime aux mensonges et incite les futurs témoins à garder le silence, même ceux qui ont le plus petit aveu à faire. En réduisant le nombre d'entreprises qui peuvent soumissionner, Montréal réduit par le fait même la concurrence, ce qui pourrait tirer à nouveau les prix à la hausse.

Et en agissant de la sorte, Montréal tombe dans l'arbitraire, comme le démontrent les exemples de MM. Accurso et Allard. Le premier n'a rien admis et échappe à la liste noire, tandis que le second a beau avoir refusé d'embarquer dans toute collusion, il a donné 60$ à des cols bleus qui menaçaient de bloquer un de ses chantiers. Merci, bonsoir...

Clairement, la Ville a choisi de tracer la ligne au mauvais endroit: plutôt que de tout faire pour récupérer les sommes volées, ce qui aurait été plus judicieux, elle a misé sur une bête punition qui la dessert autant que les firmes touchées.

Non seulement n'est-elle pas plus riche aujourd'hui, mais à la lumière des contrats accordés à des firmes douteuses, on peut se demander si elle est plus avancée dans la lutte contre la corruption.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion