Finalement, Radio-Canada abandonnera sa grande tour brune. Sans même avoir une vague idée de ce que pourraient devenir ses bureaux, studios et sous-sols.

Il y a quelque chose de troublant à voir toutes ces institutions, pour qui l'on a démoli des quartiers et rasé des pans du mont Royal, quitter leurs édifices sans demander leur reste. Elles jettent après usage en espérant que d'autres recycleront...

Les autorités semblent prises de court par cette désertion. Il a fallu 12 ans au gouvernement pour sortir de sa torpeur et créer, cette semaine, un comité pour réfléchir à l'avenir de l'Hôtel-Dieu et du Royal Victoria.

Quant à la Ville et à l'arrondissement Ville-Marie, ils regardent Radio-Canada pousser tant bien que mal son projet depuis 2007, sans grande implication. Même s'il s'agit d'un redéveloppement de grande importance.

Bien faite, cette densification des abords de la tour peut en effet rétablir une certaine continuité au tissu urbain en effaçant la mer de stationnements qui a remplacé le Faubourg à m'lasse. Plus encore, elle peut constituer l'un des importants morceaux du casse-tête que la Ville aurait intérêt à aborder globalement, celui du secteur qui s'étire du Palais des congrès au pont Jacques-Cartier.

Il est tout de même sidérant que d'un côté, le Palais envisage seul son agrandissement et que de l'autre, Radio-Canada donne au privé le soin de repenser tout un quartier. Et ce, au moment où l'on construit le CHUM, on finalise un projet de transformation de la Gare Viger, on repense l'avenir du Square Viger, on débat du recouvrement de l'autoroute...

Y a-t-il quelqu'un pour tracer une ligne entre ces projets potentiellement salvateurs que l'on peut voir d'un seul coup d'oeil depuis le balcon de l'hôtel de ville?

Au contraire, on semble attendre que les projets s'additionnent sans se soucier de leur convergence. On laisse Radio-Canada avancer à tâtons avec une seule chose en tête, autofinancer ce projet de densification. Un enjeu certes important, mais qui, s'il devient l'unique variable, risque de reproduire une deuxième erreur en 50 ans dans le secteur.

En ce sens, la décision de Radio-Canada d'abandonner sa tour n'a rien de rassurant. Surtout qu'elle survient quatre ans après la consultation publique et l'adoption d'un règlement encadrant le redéveloppement du secteur.

Si on pouvait démolir cette horreur, cela ne poserait pas de problème. Mais pour des raisons financières et patrimoniales, cela n'est hélas pas possible. On ne détruit pas un immeuble fonctionnel, encore moins un témoin de son époque, pour le plaisir...

Le problème, c'est qu'on semble plus intéressé par les «aires ouvertes» de la toute nouvelle Maison que se fera construire Radio-Canada que par l'avenir de la tour. Or que fera-t-on de cette dernière? Et comment rapiècera-t-on le quartier aux secteurs avoisinants?

Ces questions, la Ville doit se les poser rapidement, mais aussi Radio-Canada, qui a une responsabilité historique dans le redéveloppement d'un secteur démoli pour ses seuls besoins.

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