La Ville de Montréal a choisi de punir les firmes ayant avoué leur crime en leur interdisant de soumissionner pendant cinq ans, une décision improvisée qui créera davantage de problèmes qu'elle n'en règlera.

Pourquoi ne pas plutôt exiger un remboursement des sommes volées ?

Nous l'avons souligné, la mise au ban de toute entreprise qui reconnaît avoir surfacturé la Ville pendant des années est insensée, car elle se traduit en une prime au mensonge, non pas aux aveux.

Elle risque ainsi de nuire aux travaux de la commission Charbonneau, qui aura désormais beaucoup plus de difficulté à tirer les vers du nez des futurs témoins de Cima ", Roche, SM, Axor et Tecsult.

On donne ainsi l'impression de tirer sur les coupables, alors que dans les faits, on se tire dans le pied.

Cela est d'autant plus vrai que l'article 2.2 de la nouvelle politique contractuelle de Montréal, en plus des dommages à la Commission, risque d'entraîner deux effets pervers dont la Ville et les contribuables feront les frais.

D'abord, Montréal réduit le nombre de firmes qui pourront répondre aux prochains appels d'offres. Dessau a été écarté, Genivar, SNC, Génius et BPR le seront probablement à leur tour. Résultat : on s'attaque à la collusion... en réduisant la concurrence ! Un choix douteux qui pourrait faire grimper les prix au moment où l'on souhaite les baisser.

Ensuite, la décision de la Ville lui permet certes de taper sur les doigts des firmes à court terme, mais elle pourrait l'empêcher de récupérer les sommes détournées à plus long terme. Interdites de soumission, elles refuseront de payer plus tard sous prétexte qu'elles ont déjà été punies. Dur, en effet, de châtier deux fois les entreprises pour un même crime.

Or, entre la punition et le remboursement, c'est ce dernier qui devrait prévaloir, comme le souligne le président de l'Institut sur la gouvernance des organisations publiques et privées, Michel Nadeau, qui propose la création d'un fonds de remboursement.

Il suggère ainsi une solution en trois étapes. Déterminer la somme surfacturée à la Ville entre 2002 et 2009. Éplucher les contrats attribués pendant cette période afin d'évaluer la portion qui revient à chaque firme. Puis récupérer les montants volés en retenant un pourcentage des futurs contrats.

En clair, si le montant de surfacturation est de 500 millions et que Dessau a réalisé 10 % des contrats passés, on prélèvera à la source une portion des prochains contrats accordés à cette firme jusqu'à concurrence de 50 millions. Les entreprises qui refusent sont simplement bannies des soumissions.

On pénalise ainsi les firmes (qui voient leurs dividendes baisser), sans nuire outre mesure à l'industrie québécoise du génie (plus de 23 000 employés), tout en permettant à la Ville de Montréal de récupérer une partie des sommes dont elle a été spoliée.

La solution est certes plus compliquée que celle du maire Applebaum. Mais elle a le mérite de renflouer les coffres de la Ville et d'apaiser la colère des contribuables.

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