Le virage à droite est à la métropole ce que la margarine est au Québec: un débat récurrent qui l'éloigne de ses priorités.

De manière épisodique, la question du virage à droite au feu rouge à Montréal revient en effet dans l'actualité. L'année dernière, c'était un journal du West Island qui lançait une pétition en ce sens. Cette année, c'est le président de la commission sur les transports de la Ville qui profite du dixième anniversaire de la mesure pour relancer le débat... avec la complicité du ministre des Transports qui ne ferme pas la porte!

«On n'est pas plus niaiseux qu'ailleurs, lançait Luis Miranda la semaine dernière. Je ne vois donc pas pourquoi on ne peut pas tourner à droite à Montréal.» Argument populiste pour enjeu populiste...

Un véritable débat de fond a eu lieu il y a dix ans sur le sujet, et bien franchement, on cherche une seule bonne raison de le relancer aujourd'hui, dans un contexte où Montréal croule sous les enjeux prioritaires.

Oui, il y a des avantages à tourner à droite, mais ceux-ci ne supplantent pas plus aujourd'hui qu'à l'époque les inconvénients qui accompagnent une telle mesure en milieu urbain. D'où l'interdiction faite à Montréal et New York.

Quels sont ces bénéfices? Un gain de temps, une diminution de la congestion et une baisse de la consommation d'essence, répondent les partisans de la mesure. Ce qui est vrai, mais de manière si marginale qu'on se demande pourquoi ils en font une obsession!

Une analyse des études américaines menée avant l'implantation du virage à droite par la SAAQ et le MTQ révélait que l'économie quotidienne de temps pour les automobilistes, selon la densité de la circulation, oscillait entre... 3 et 15 secondes! L'économie de carburant n'est guère plus impressionnante si l'on se fie aux chercheurs de l'Université de Montréal: 2,64 litres par année.

Reste la soi-disant diminution de la congestion: la SAAQ révélait en 2002 qu'à peine 13,7% des conducteurs qui ont recours au virage à droite attendent en file au feu rouge. Les autres se retrouvent seuls à l'intersection et ne provoquent donc aucun bouchon!

Quels sont les inconvénients, maintenant? Une hausse notable des risques et des accidents pour les plus vulnérables des usagers de la route. Déjà, dans les années 1990, la SAAQ se faisait alarmante en évoquant les conclusions d'études américaines: hausse de 44% des accidents chez les piétons et de 59% chez les cyclistes.

Le bilan après une décennie n'est pas aussi lourd qu'on le craignait, c'est vrai. Mais on recense néanmoins 6 décès, 33 blessés graves et 807 blessés légers dans la province... sans que la mesure n'ait été appliquée dans sa principale ville. Et ce pour que les automobilistes économisent 4$ et quelques minutes par année.

Quand on sait qu'ils sont plus d'un millier de piétons à être fauchés chaque année à Montréal, il ne vaut certainement pas la peine de relancer un débat qui appartient à une autre époque, celle où l'auto régnait sans partage.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion