Ayant mis un point final à son aventure nucléaire en décembre dernier, le Québec doit maintenant amorcer les travaux de décontamination du complexe Gentilly, un vaste chantier qu'Hydro-Québec compte étirer... sur plus d'un demi-siècle!

Mais pourquoi repousser l'inévitable aussi loin? Pourquoi demander aux prochaines générations de nettoyer les déchets d'une exploitation dont elles n'ont pas profité? Pourquoi ne pas accélérer les travaux au profit des travailleurs de la région?

Ces questions, le gouvernement devrait se les poser. Mieux, elles devraient faire l'objet d'une étude indépendante et approfondie, comme le recommande la commission parlementaire sur Gentilly dans le rapport qu'elle a déposé jeudi dernier.

L'idée d'un «déclassement immédiat», poussée par un regroupement d'experts et d'organismes environnementaux, est en effet très séduisante. Elle permettrait en effet de maintenir des centaines d'emplois bien rémunérés autour de Bécancour. Elle éviterait de pelleter le problème en avant, comme on l'a fait avec Gentilly-1, une centrale fermée en 1977 dont la décontamination n'est toujours pas complétée.

Et surtout, elle donnerait au Québec l'occasion de développer une expertise en déclassement de centrales au moment où plusieurs pays, comme l'Allemagne, la Suisse l'Italie et la Belgique, tournent le dos à l'atome. Un phénomène que pourrait accélérer le vieillissement du parc nucléaire mondial (le rachat d'Énergie atomique Canada par SNC-Lavalin ne doit d'ailleurs pas être étranger à ce contexte).

Le Mouvement sortons le Québec du nucléaire propose ainsi une feuille de route détaillée sur 20 ans, qui permettrait de déclasser de façon accélérée à la fois Gentilly-1, qui servirait de chantier-école, et Gentilly-2.

Il prend ainsi modèle sur la France, un pays très nucléarisé qui mise sur le démantèlement rapide des réacteurs après fermeture, afin de bénéficier de l'expertise et des connaissances des employés de la centrale. On estime ainsi pouvoir réduire les délais indus et les risques d'un tel chantier.

Impossible, rétorque toutefois Hydro-Québec, qui rappelle qu'il n'existe toujours pas de site d'entreposage permanent pour les combustibles irradiés au Canada. Un dépôt en sous-sol est bel et bien prévu, mais pas avant 2050.

L'argument est solide. Mais des solutions alternatives ont-elles été envisagées? Le Québec compte-t-il envoyer tous ces déchets, peu importe leur activité radiologique, dans un tel entrepôt? Souhaite-t-il réellement être dépendant de l'état d'avancement d'un projet à très long terme qu'il ne contrôle pas?

Autant de questions, là encore, qu'une étude indépendante pourrait creuser et soupeser. Surtout qu'Hydro-Québec se dit «tout à fait ouverte» à un déclassement plus rapide «s'il devenait possible et avantageux de procéder» ainsi.

Le démantèlement de Gentilly est commencé, reste à voir si on peut l'accélérer.

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