Les craintes formulées l'an dernier étaient fondées. La décision du gouvernement Charest de doter les classes de la province de tableaux blancs interactifs était non seulement bâclée, elle était malavisée.

Tout effacer, comme souhaite le faire le gouvernement Marois, est donc tout à fait justifié.

Annoncée en pleine période de compressions pour les écoles, l'enveloppe de 240 millions de dollars devait servir à acheter 40 000 tableaux afin que les élèves québécois prennent le virage numérique.

La fin était louable, le moyen discutable. Cette décision, en effet, n'avait fait l'objet d'aucun préavis, d'aucune validation, d'aucune consultation. Elle avait été prise dans la précipitation, sans analyse des besoins, des implications et des coûts (comme tous les projets d'infrastructure décrits dans l'étude SECOR-KPMG la semaine dernière, soit dit en passant).

Résultat: un peu partout dans la province, on trouve des tableaux qui s'empoussièrent, des tableaux sous-utilisés, des tableaux toujours dans leur boîte. Des professeurs, en effet, n'ont pas reçu la formation nécessaire, d'autres attendent toujours le technicien, d'autres encore n'ont pas accès à une bande passante qui permet de tirer tous les bénéfices de cette technologie.

Que des ennuis d'arrimage qui se régleront avec le temps? Si seulement...

Derrière ces pépins logistiques se cache un enjeu beaucoup plus important: le faible ratio coût-bénéfice des tableaux. Non seulement coûtent-ils cher (jusqu'à 5000$ pièce), mais leur utilité pédagogique n'a toujours pas été démontrée.

«Rien, jusqu'à présent, ne permet de conclure à leur impact positif sur la réussite éducative», affirme, recherche à l'appui, le directeur de la Chaire de recherche sur les technologies de l'information en éducation, Thierry Karsenti.

Une recension des différentes études l'amène même à penser que ces tableaux pourraient produire des effets négatifs en minant la motivation des élèves et des professeurs. Certaines recherches démontrent que «les enseignants passent plus de temps à gérer les défis technologiques qu'à se préoccuper de ce que les élèves apprennent».

Il y a donc lieu de se demander pourquoi le précédent gouvernement a choisi de sortir un tel lapin de son chapeau lors du discours inaugural de février 2011. Sinon pour aider une entreprise représentée par un ancien membre du cabinet Charest.

Entendons-nous bien. Cette technologie offre certains avantages qu'apprécient plusieurs professeurs, particulièrement en mathématique. Le problème n'est donc pas tant le tableau blanc que l'idée d'en faire une panacée pour tous, applicable à la grandeur de la province, à grands frais. Aux dépens d'autres besoins pédagogiques autrement plus criants...

Le virage numérique est certes nécessaire en éducation, et le gouvernement Marois devra s'y attaquer. Mais cela devra se faire avec le milieu, dans le respect de l'autonomie des enseignants, non pas de manière précipitée et irréfléchie.

francois.cardinal@lapresse.ca

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