On parle d'une omerta, d'une conspiration à grande échelle, d'un système illicite érigé au fil des ans. Puis d'un témoignage accablant ouvrant la porte à d'autres confessions, qui mettent au jour un univers jusque-là tapi dans l'ombre.

Nous sommes à Montréal, à la commission Charbonneau... mais aussi aux États-Unis, dans le monde du cyclisme, où l'Agence américaine antidopage (USADA) a dévoilé les détails du «programme de dopage le plus sophistiqué et réussi de l'histoire du sport».

Dans un cas, le témoin se nomme Zambito, dans l'autre Hincapie. Il est question d'enveloppes bourrées d'argent ici, de thermos plein d'EPO là-bas. On dissimule des billets dans des bas pour l'un, des seringues souillées dans des canettes de Coke pour l'autre. Les tractations ont lieu dans d'obscurs cafés italiens, ou dans des chambres d'hôtel transformées en cellules de transfusion sanguine.

Deux dossiers totalement différents, donc, mais qui se rejoignent sur bien des aspects, le premier étant leur plus grand mérite: dévoiler publiquement un système bien établi afin qu'il cesse d'être la norme.

Dans ces deux affaires, en effet, le but n'est pas tant d'attraper quelques bandits ou tricheurs que de briser la loi du silence afin que les langues se délient et que la conspiration soit éventée. Et donc beaucoup plus difficile à perpétuer ou à rétablir.

Les enquêtes, là-bas comme ici, servent ainsi à créer un terreau fertile pour les témoignages, à franchir le point de bascule au-delà duquel les coupables ont plus intérêt à parler qu'à se taire. Au Québec, bien des témoins à venir avaient jusqu'ici nié toute implication. Tout comme, aux États-Unis, les Hincapie, Barry, Leipheimer et Vande Velde avaient jusque-là contesté toute allégation.

L'objectif n'est donc pas tant répressif que pédagogique, voire politique. On fouille certes les ordinateurs et les classeurs de Tony Accurso, on inspecte les relevés bancaires et les courriels de Lance Armstrong, mais d'abord et avant tout, on se sert de la chute de géants pour dévoiler les arcanes qui leur ont permis de le devenir...

Et par le fait même, on oblige les autorités à mettre fin à leur aveuglement volontaire. Car pour qu'un système d'envergure s'installe, il faut que des gens se taisent, que des personnes en position d'autorité, à l'hôtel de ville ou à l'Union cycliste internationale, détournent le regard, soit parce qu'ils en profitent, soit parce qu'ils considèrent la chose trop bien implantée pour s'y attaquer.

Les transcriptions de la commission Charbonneau deviennent ainsi une lecture obligée pour quiconque s'implique en politique, de la même manière que la brique de l'USADA est un incontournable pour tous les cyclistes, surtout les jeunes.

Ne nous racontons pas d'histoire. La Commission ne mettra pas fin à la corruption, pas plus que le rapport de l'USADA n'éliminera le dopage. Mais ils auront le mérite de démanteler des systèmes ayant trop longtemps perduré.

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