Alors que Montréal dépérit, Toronto atteint des sommets...

Voilà le concept prêt-à-penser que se plaisent à colporter plusieurs observateurs au Canada, le plus impérieux étant Conrad Black qui, dans le National Post samedi, opposait «le déclin» sans fin de Montréal à «la grandeur» de Toronto.

À ses yeux, la métropole du Québec a commis dans les années 60 «une tentative de suicide sur le long terme» qui la plombe encore aujourd'hui. Depuis 50 ans, conclut-il, «les pertes de Montréal sont les gains de Toronto».

Questions. Conrad Black avait-il accès aux journaux canadiens en prison? Et à quand remonte sa dernière visite à Montréal? Car non seulement sa description d'un Montréal francophone, blanc et agonisant est caricaturale, il passe complètement sous silence le fait que la métropole québécoise, toutes proportions gardées, s'est mieux tirée d'affaire que sa rivale ces dernières années...

On s'entend, Toronto a ses forces et Montréal, ses faiblesses. On compte plus de grues dans la Ville reine. Son dynamisme est indéniable. Et l'ambiance y est globalement plus positive qu'ici.

Mais ces indicateurs de surface en cachent bien d'autres à l'avantage de Montréal, lesquels n'entrent pas dans l'archaïque grille d'analyse de Conrad Black. Tout comme le professeur de l'Université de Toronto Christopher Kennedy, dans son tout récent livre The Evolution of Great World Cities, Black conclut que la montée du séparatisme a signé l'arrêt de mort de Montréal, et à l'opposé, la poussée fulgurante dont profite aujourd'hui sa rivale.

Passons sur le fait que les deux hommes expliquent le transfert du centre économique du pays par la seule poussée souverainiste (même si la Révolution tranquille et les transformations sociolinguistiques de l'époque en sont également responsables), et concentrons-nous sur la situation actuelle.

Qu'observe-t-on au sortir de la crise économique? Que Toronto est tiré par le bas par son économie monolithique et les aléas de sa province tout-à-l'auto. Tandis qu'à l'inverse, Montréal profite d'une économie hétérogène, d'un marché immobilier moins à risque et d'un secteur technologique qui lui donne de l'élan depuis 20 ans.

Se rappelle-t-on d'une seule autre époque où le taux de chômage de Montréal ne dépassait pas celui de Toronto?

Black ne semble pas saisir que les faiblesses de Montréal sont devenues des atouts. Sa faiblesse financière la rend moins vulnérable aux chocs économiques. Son rendez-vous manqué avec l'industrie automobile lui a épargné bien des soucis. Et ses tribulations l'ont forcé à développer l'une des économies les plus diversifiées du pays.

«Les Montréalais peuvent y voir une certaine revanche de l'histoire», va jusqu'à dire Mario Polèse, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en études urbaines à l'INRS.

Vrai, des années 60 aux années 90, Montréal a connu une longue période de déclin au profit de Toronto. On ne peut contredire Black à ce sujet. Mais peut-être serait-il temps pour l'ancien magnat de se mettre à jour.

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