Les «Lettres» publiées récemment par Lucien Bouchard s'adressent officiellement à «un jeune politicien» imaginaire. Mais elles semblent, étrangement, avoir été soigneusement écrites pour les ministres péquistes assermentés aujourd'hui...

Si l'on met de côté les appels à l'engagement lancés aux jeunes, ces missives aux allures de testament politique contiennent, en effet, de précieux conseils aux élus, mais plus encore, des techniques pour bien communiquer ses dossiers, des recommandations visant à se doter d'adjoints forts et loyaux et des écueils à éviter une fois au pouvoir.

«Si tu fais le saut seulement pour "avoir la job", ton engagement n'aura aucun sens et ne mènera à rien», lance-t-il en employant un tutoiement que l'on imagine de rigueur entre un ancien premier ministre et un nouveau ministre de la même famille politique...

Revêtant les habits d'éminence grise, Lucien Bouchard fait appel à son passé, sans complaisance ni paternalisme, afin que ses successeurs ne commettent pas les mêmes erreurs que lui. Il avoue, par exemple, s'être «fourvoyé» avec la réforme de l'éducation, une erreur qu'il impute à la trop grande liberté accordée par son gouvernement «aux bureaucrates de l'enseignement».

Puis il invite les politiciens à travailler pour le bien commun, à donner un sens à leur engagement, à travailler non pas pour eux-mêmes, mais pour le bien de l'État. Il les exhorte ainsi à établir un dialogue avec la population, à présenter des objectifs clairs, à «proposer la cible vers laquelle convergeront les énergies capables de mettre un projet en marche».

«Le service public, c'est la motivation clé, ajoute-t-il. Quelle erreur que d'y substituer l'attrait du pouvoir!»

Sans jamais dorer la pilule, Lucien Bouchard énumère les embûches qui parsèment le quotidien des ministres, comme s'il souhaitait les préparer à ce qui s'en vient. Il cite entre autres «l'incertitude des dossiers, les aléas économiques, le supplice des équilibres financiers, les arbitrages déchirants» ainsi que les crises à gérer et la déception de ne pouvoir tout réaliser.

Or voilà, très précisément, ce qui attend le nouveau conseil des ministres, ce qui sera le lot de ces nouveaux chargés de pouvoir. Tout cela... et l'impossibilité de rêver à un référendum prochain, comme l'a laissé entendre Pauline Marois, lundi, en prononçant un discours exempt du mot «souveraineté».

«Que reste-t-il quand le rêve de la souveraineté s'estompe, qu'il n'est plus aussi mobilisateur?» demande d'ailleurs Lucien Bouchard, en écho à Mme Marois. «L'heure est à la recherche d'un nouvel idéal», répond-il aussitôt.

Il propose, à ce titre, l'éducation, la «préparation d'un avenir pour nos enfants». Mais peu importe comment on formule ce projet mobilisateur, ajoute-t-il, l'important est d'en avoir un, l'important est de «parvenir à un consensus sur l'essentiel».

«Redécouvrir la fierté québécoise, créer un enthousiasme collectif, conclut-il, voilà la tâche qui t'attend.»

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